[məne tɔtɔʃ a mɛdʁano] (loc. verb. CiRQ.)
Durant les années surannées, c’est au cirque Medrano du boulevard de Rochechouart qu’on voit les meilleurs numéros de clown, avec George Foottit le clown blanc et son partenaire Chocolat, Auguste noir qui lui sert de défouloir dans les fameux numéros Acrobates sur la chaise, Chaise en bascule, ou La mort de Chocolat¹.
C’est aussi là qu’on peut rire aux pitreries de Porto, Pipo, Buster Keaton et Achille Zavatta qui ne sont pas les derniers quand il s’agit de balancer de la tarte à la crème. Un point qu’ils ont en commun avec ce Totoche² qui compose l’expression qui nous occupe en ces lignes, et qui se trouve être membre de la longue liste des petits noms péniens dont Popaul est le meneur.
C’est vraisemblablement pour cette similitude que s’impose dans le parler du Pantruche coquin mener Totoche à Medrano en synonyme d’aller présenter ses hommages à une dame, qu’elle soit professionnelle de la place Pigalle (à quelques dizaines de mètres de Medrano) ou galante consentante et gratuite.
Une expression qui va se nourrir de cette proximité géographique entre rigolade et tapinage, et leurrer les consciences précieuses et leurs chastes oreilles pendant des dizaines d’années. « Je vais mener Totoche à Medrano » (à prononcer sur le ton de « je vais faire pisser le chien ») passe ainsi pour accompagnement d’un poulbot désœuvré à un spectacle souriant, un véritable acte de charité bien ordonnée. Pour un peu les braves gens y iraient de leur obole si celui qui entend mener Totoche à Medrano n’avait pas de quoi lui payer l’entrée…
De 1897 à 1973, année de la destruction des lieux, les égrillards vont donc mener Totoche à Medrano pour y voir (et faire) la bête à deux dos.
Le déplacement de l’épicentre mondial du spectacle vivant vers les hôtels scintillants de Las Vegas rendra désuète mener Totoche à Medrano. La connotation libidineuse de la destination trouvera péniblement en la maxime de la ville du Nevada « What happens here stays here »³ sa descendance américaine, bien moins susceptible de berner les crédules qu’un mener Totoche à Medrano et surtout sans référence utile aux habits de lumière et galipettes de rigolos toujours prêts à envoyer la purée.
Un immeuble hideux et un supermarché tiennent désormais le haut du pavé au 63 boulevard de Rochechouart, 75009 Paris. La spéculation immobilière a définitivement fait disparaître l’expression.
1 comment for “Mener Totoche à Medrano [məne tɔtɔʃ a mɛdʁano]”