Mettre la main au panier [mɛtʁ la mɛ̃ o panje]

Fig. A. Les marchés de Provence.

[mɛtʁ la mɛ̃ o panje] (LOC. MARÉCHÈ. HARCEL.)

Certaines expressions françaises naissent de la poésie des faubourgs, d’autres de la noblesse des salons où l’on cause.

Et puis il y a celles qui émergent de lieux interlopes où le geste est furtif et le regard en coin.

Mettre la main au panier appartient résolument au registre de ces endroits moins policés même si elle semble de prime abord nous venir du marché. Oui, celui-là même, le gentil marché du dimanche qui sent, le matin, la mer et le Midi, des parfums de fenouil, melons et céleris avec dans leur milieu, quelques gosses qui dansent. Oui celui-ci où l’on a pour cent francs du thym de la garrigue un peu de safran et un kilo de figues¹.

Derrière son apparente innocence d’un geste de ménagère avisée vérifiant la fraîcheur des pêches chez le primeur, cette locution cache en réalité une main baladeuse aux ambitions bien moins fruitières. Mettre la main au panier ne relève ni du commerce de détail ni de l’agriculture, mais du culot et de l’indélicatesse. 

Le panier désigné est l’arrondi du séant

Si de la coupe aux lèvres il y a loin, de la main au panier il y a peu. Le panier désigné est l’arrondi du séant, cette partie charnue qui, placée à bonne hauteur et à portée de paluche, devient une cible facile pour un frôlement esquissé ou une palpation plus appuyée. Loin de s’intéresser à un panier en osier garni de victuailles, le protagoniste cherche ici à vérifier d’une main experte la texture d’un fessier passant à proximité. L’auguste geste du maraîcher évaluant ses melons en cageot imité par le détraqué tripotant le dargeot.

Jadis perçue comme une grivoiserie presque anodine, mettre la main au panier a vu son usage péricliter. Ce qui relevait d’un badinage osé est aujourd’hui un comportement banni, et l’expression elle-même s’en trouve classée parmi les témoins d’un machisme d’un autre âge. Mettre la main au panier s’accompagne désormais d’un dépôt de plainte et d’une amende salée.

Le panier en osier s’est aussi fait la malle au profit de ridicules barquettes à roulettes. Et dans celles-là pas question pour le coquin d’y plonger la main au risque de se casser les reins. Que ce soit sur l’étal ou sous les jupes : on ne touche pas !

¹NB : Bécaud cause en anciens francs sans quoi ça ferait chérot le kilo de figues.

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