La différence entre le bon et le mauvais goût, entre l’acceptable et le récusable, entre le public et l’intime, tient dans la main. Autant dire qu’elle ne pèse pas bien lourd et que sa subtilité pourra paraître déroutante à qui ne maîtrise pas le langage suranné.
Voici bien heureusement de quoi aider le béotien.
Qu’on se le dise une fois pour toutes, mettre le paquet n’est pas mettre la main au paquet. L’on voit bien que la différence tient dans la main comme proposé princeps. Encore que d’aucun(e)s préciseront que si elle tient dans la main c’est qu’elle n’est pas bien grosse, la différence, mais ceci est une autre histoire¹.
Pour la faire courte, on ne mettra point la main au paquet. Ou alors on le fera dans des conditions ne relevant pas de l’exposé encyclopédique et public.
En revanche, à chaque fois qu’on le pourra, on mettra le paquet. Quand il faudra briller parce qu’elle le vaut bien, on mettra le paquet. Quand il sera temps de mettre une dernière touche au Grand Œuvre, on mettra le paquet. Quand il s’agira de se sortir d’un mauvais pas, on mettra le paquet.
Ce paquet qu’il faut donc mettre pour se sortir d’affaire, arrive dans la langue par d’autres voies que celles impénétrables de la Poste (noble institution pour qui le temps ne s’écoule pas de la même façon que pour l’administré dont elle a charge de paquetage, mais ceci est une autre histoire). En provenance d’un français peu châtié qui en fait un ballot d’étoffe, c’est vraisemblablement via l’œuvre de Proust², qui lui le mettait, que le paquet comme grand tout emballé d’un tas de trucs divers, gagne ses lettres de noblesse.
Le paquet adoubé, on sera désormais bien aimable de le mettre à chaque fois qu’il faudra faire dans l’effort.
En 1998, c’est une phrase en apparence innocente, prononcée dans les vestiaires de l’équipe de France de football, qui va envoyer mettre le paquet en surannéité :
« Muscle ton jeu, muscle ton jeu Robert, si tu muscles pas ton jeu, fais attention, je t’assure, tu vas voir, tu vas avoir des déconvenues parce que t’es trop gentil ».
Aimé Jacquet, sélectionneur d’une équipe qui va bientôt remporter le plus prestigieux des trophées, paraphrase longuement mettre le paquet, formule qui serait demeurée inaudible pour le trop tendre Robert. La France y gagnera une coupe du monde et y perdra une expression.
Des fois il faut savoir faire des sacrifices.