[mètre sa vjèj su le bâ] (loc. fin. RETRAI.)
Entrer dans les ordres étant passé de mode, se confiner tel un ermite ne concernant plus le philosophe moderne, traîner dans le désert plus de vingt-huit jours n’intéressant pas vraiment la jeune génération qui sait bien à qui ça sert toutes les règles un peu truquées du jeu qu’on veut lui faire jouer les yeux bandés¹, il est logique que se retirer du monde et renoncer aux plaisirs n’ait plus d’expression consacrée.
Il n’en a pas toujours été ainsi, mettre sa vieille sous le banc ayant longtemps été la référence en la matière.
Écartons immédiatement tout sens dévoyé qui laisserait à penser qu’il s’agit de pousser mémé dans les orties puis de la cacher sous les gradins afin de mieux s’en débarrasser : mettre sa vieille sous le banc n’a rien à voir avec un acte d’une telle cruauté.
C’est dans un autre univers qu’il faut aller en extirper l’origine.
Symbolisant l’abandon de son violon² – pourtant chéri – par le musicien fatigué d’avoir trop pissé dedans sans que jamais nul ne l’écoute vraiment, mettre sa vieille sous le banc exprime à la fois renoncement et soulagement.
Délaisser la petite musique de la comédie humaine
En effet, le crin-crin remisé c’est le calme qui s’installe avec le lot d’infimes satisfactions qui l’accompagne : plus de chef d’orchestre habité aux gestes duquel jouer, plus de la du hautbois sur lequel s’accorder, plus de répétitions, plus de public.
Mettre sa vieille sous le banc c’est donc délaisser la petite musique de la comédie humaine et s’en trouver fort bien.
Le banc public sur lequel les amoureux se bécotent en se foutant bien du regard oblique des passants honnêtes³ prend toute sa dimension grâce à cette vieille que l’on met dessous. Mobilier urbain propice à une réflexion profonde sur les tyrannies du quotidien (cf. fig. A), les destinées impossibles (cf. fig. B), la bêtises des pigeons et l’agrément procuré par les robes à fleurs, le banc devient une planche de salut pour celui qui lui abandonne son instrument.
L‘irruption dans la ville d’assises conçues par des esprits n’envisageant de toute évidence pas un instant ces notions rendra mettre sa vieille sous le banc surannée.
Bannissant à la fois le fatigué et l’esthétique, le banc est désormais la signature artistique de l’édile moderne. Poutres improbables, cubes froids, amas ferreux s’assoient sur l’expression, la vieille dût-elle en souffrir et être condamnée à jouer encore et encore sans espoir de repos.