[mikmak] (n. pr. COMPLEX.)
L‘inextricable imbroglio des formalités administratives françaises pour quelque action officielle que ce soit, aurait dû à lui seul signifier confusion. Ainsi la langue se serait-elle dotée, par exemple, d’un séduisant adminimbroglio pour décrire la chose. C’eut été amusant.
Mais elle choisit une autre piste, c’est le cas de le dire, puisqu’elle alla chercher son synonyme de situation embrouillée chez les Micmacs, chasseurs et guerriers peau-rouge du Nord de l’Amérique, ennemis des Mohawks, des Malécites et des Pentagouets comme chacun sait.
Premiers indiens d’Amérique à croiser l’homme blanc vers 1497, les Micmacs établirent un commerce avec le colonisateur sur la base de la peau de castor alors très prisée en France, ce qui engendra un trafic conséquent avec toutes les dérives attenantes : cours officiel et officieux, commissions occultes, ristournes de fin d’année, marges arrières, etc.
On peut dès lors aisément imaginer que micmac procéda des négociations permanentes sur le prix du castor et des magouilles des uns pour s’enrichir sur le dos des autres.
Le micmac consistait à échanger, contre verroteries brillantes et trébuchantes, la fourrure du rongeur à queue plate pour la revendre à prix d’or à Paris où le bonnet fabriqué par les chapeliers Mathieu Soupplet, Pierre Fredin, Christophe Delahaye et Jehan Prevost, faisait fureur dès le milieu du XVIᵉ siècle.
Aux côtés des troupes françaises combattant celles de la perfide Albion pour la domination de cette terre qui deviendrait le Canada (mais ceci est une autre histoire), les Micmacs imposèrent alors tranquillement micmac dans la mode de chez nous et dans la langue qui va avec.
Il est possible que la mythologie complexe des Micmacs et l’aspect nébuleux de son organisation ait renforcé et assis un peu plus l’idée de micmac. Glouscap (puissant guerrier et dieu suprême), Kinap (dieu farceur), Pouwowin (sorcier marchant sur l’eau), Sketekemouc (dont la présence annonce la mort), Mikemouwesou et Poukeletemouc (des nains vivant au crochet des hommes) pour ne citer que les plus connus, s’y croisent, lancent des sorts et accomplissent des miracles dans un joyeux capharnaüm que, bien entendu, les missionnaires tenteront de tempérer, préférant opposer un pyramidal monothéisme à ce micmac des Micmacs (mais ceci est une autre histoire).
Créée en 1995, l’Organisation Mondiale du Commerce¹ aura raison du vieux micmac et de ses entourloupes. « En décourageant les pratiques déloyales telles que les subventions à l’exportation et la vente de produits à des prix de dumping », cette assemblée regroupant les puissances commerciales du monde envoie micmac en surannéité et, surtout, remet éthique et loyauté à l’honneur². On ne saurait que trop l’en remercier.