[mitiZé kòSô dêd] (anim. CHIMI.)
En toute chose la synthèse est un art fragile et harmonieux.
C’est beau comme du Lao Tseu, des fois je m’émeus. Mais trêve d’auto-flagornerie, apprenez mes amis que mélanger des produits aux propriétés opposées est toujours source de grand danger. Demandez à ma mère qui éteignit deux ou trois incendies avant de mettre fin brusquement à une brillante et prometteuse carrière de chimiste dont j’établissais les bases en prime enfance en jouant avec ce coffret retrouvé au grenier¹. Mais comme à l’accoutumée je m’égare.
L’expression que nous mettons sur le métier aujourd’hui rend compte très précisément de l’incongruité mal à propos de nombreux mélanges instables. Mitigé cochon d’Inde que vous avez forcément entendue si vous avez eu la chance de connaître vos grands-parents qui étaient par définition surannés, prend à témoin le Cavia porcellus et plus spécifiquement la dysharmonie de son pelage velu.
Le laid (mais sympathique) animal aux pattes courtes et aux griffes acérées, dépourvu de queue et de cou, est en effet doté de nombreuses variantes de coloris qui l’apparenteront, au choix, aux diverses possibilités de peintures de la gamme Twingo ou aux élucubrations sous acide des designers de la marque de vêtements Desigual. Dans les deux cas du grand n’importe quoi.
De cette cacophonie colorielle on dira qu’elle est mitigée cochon d’Inde, autrement dit indécise, à la recherche de sa véritable identité, disparate. Les plus optimistes chercheront à comprendre, alors qu’il convient de sévir (cf. le cas princeps du Petit Chimiste¹). Ne laissez jamais s’installer quelque cas mitigé cochon d’Inde qui soit ! Dans le choix de votre tenue comme dans celui de votre vie. Cette composition foireuse vous explosera au visage, tôt ou tard.
Ne confondez pas pour autant le mélange réussi, le mâtiné, le métissé, le panaché, qui respectent quant à eux la divine proportion, Phi, rapport entre la grande partie et la petite d’un objet composé de deux parties inégales similaire au rapport entre le tout et la grande partie (ce n’est pas de moi mais d’Euclide, si c’est trop compliqué voyez avec le service concerné). Le mitigé cochon d’Inde est même l’inverse de ce nombre d’or pétri d’harmonie que trouvent parfois les artistes qui nous laissent des œuvres universelles.
Le cochon d’Inde Shelty et ses poils qui partent vers l’arrière n’a rien de l’homme de Vitruve, le Péruvien au poil lisse dirigé vers l’avant, même avec ses deux rosettes sur les fesses, ne fait aucune ombre à la Naissance de Vénus de Botticelli, et la Joconde dont le visage se tient dans un parfait enchaînement de rectangles d’or a un sourire plus avenant que celui du Texel à poil long ondulé. Rien, vraiment rien ne rapproche mitigé cochon d’Inde et divine proportion.
Reste que mitigé cochon d’Inde ne s’utilise guère plus que cet étrange nombre d’or. Tous deux sont devenus surannés dans une époque qui fait de ses outrances des titres de gloire. Et cet oubli pourrait bien un jour ou l’autre nous coûter un peu cher, certains de nos contemporains n’ayant pas retenu la leçon de manipulation des produits contradictoires : un jour ça vous pète à la gueule. C’est valable en chimie, en art, en politique.
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