[môté sa ɡrâdmèr o ɡrenjé] (loc. nas. SNIF.)
Alors que l’éducation la plus surannée impose de dire bonjour à la dame et de laisser sa place assise à l’aïeule dans le bus, c’est un sourd reproche qui se cache derrière l’aide apportée à mémé pour accéder aux combles de la maison.
Monter sa grand-mère au grenier n’est en effet pas recommandé et fera même passer pour dégueulasse celui qui s’y essayera puisque l’expression est synonyme de renifler.
Aspirer bruyamment par le nez des mucosités verdâtres et liquides avec éventuelle déglutition des matières collectées est un acte si répugnant qu’il lui fallait bien l’aide d’une mamie pour passer dans la conversation; éternelle délicatesse de la langue surannée qui a donc confié à monter sa grand-mère au grenier la tâche d’exprimer quel pouacre est le mucophage.
Ainsi ordonnera-t-on à l’enfant enrhumé de cesser de monter sa grand-mère au grenier et de se moucher immédiatement, en plus de ne pas mettre ses doigts dans son nez pour y récolter un mucus malléable à souhait, le privant au passage d’un petit peu de sa dose quotidienne de morve salée¹.
L’origine de l’expression n’est pas clairement établie, la muqueuse nasale et son écoulement n’ayant a priori rien à voir avec mamie (même si cette dernière peut parfois être dite « liquide ») et aucune thèse satisfaisante n’a à ce jour résolu la question.
Monter sa grand-mère au grenier n’est par exemple aucunement liée à une quelconque volonté de pousser mémé dans les orties ou de la ranger avec les vieilleries de son âge dans une pièce poussiéreuse de la maison d’où on la sortira une fois par an : il y a un respect du grand âge dans les années surannées.
Le 21 décembre 1983 monter sa grand-mère au grenier devient une véritable affaire d’État lorsqu’éclate le ridicule scandale des avions renifleurs aux tenants et aboutissants aussi obscurs qu’une fosse nasale pleine de mouchure. Pour près d’un milliard de francs, Elf se paie quatre Boeing 707 capables de détecter un gisement pétrolier en montant leur grand-mère au grenier qui s’avèreront en réalité constituer une escroquerie de haut vol.
Bien que pris la main dans le sac et la morve au nez, les arnaqueurs – un Italien réparateur de télévisions et un aristocrate Belge² – s’en sortiront.
Les seuls dégâts seront pour le langage qui devra abandonner monter sa grand-mère au grenier, l’expression devenue objet de risée ne pouvant plus constituer une réprimande sérieuse pour un enfant renifleur.