[na na na na nèr] (onomat. SCOL.)
L‘index de la main droite glisse sur celui de la main gauche de façon répétée. Ce deuxième index est dirigé vers l’interlocuteur et semble le désigner, comme coupable de telle ou telle infamie. Les autres doigts sont repliés. La scène dure quelques secondes mais elle est scrutée par tous les présents dans la cour de l’école.
Elle est accompagnée d’une petite musique en sol-mi-la-sol-mi.
Et de ces paroles sentencieuses : na na na na nère.
Le e final sera d’autant plus marqué que l’ignominie du coupable désigné l’est aussi. Na na na na nère pourra facilement s’entendre en na na na na nèreuh.
Na na na na nère et l’équivalent scolaire de la désignation stalinienne des vipères lubriques, ces ignobles traîtres à la cause, et il ne fait pas bon se retrouver sur le banc des accusés. Certes la Sibérie est loin de l’école Jean Macé, mais l’humiliation n’en est pas moins violente. Un na na na na nère bien balancé aura brisé plus d’une carrière.
Na na na na nère ne trouve aucune explication sémantique plausible dans les nombreuses thèses qui lui ont été consacré. Rite araméen ? Palabres chamaniques ? Certains se sont risqués à avancer un leg extraterrestre… Na na na na nère est plus probablement une pâle imitation des babillements du bébé qui s’essaye à parler, mais là encore, l’hypothèse est spécieuse, l’apprentissage d’une langue structurée (verbe, complément d’objet, accord en genre et en nombre avec l’objet auquel il se rapporte, etc.) faisant oublier ce parlé originel.
Na na na na nère possède des variantes régionales en la la la la lère, et le fait que bisque, bisque, rage, s’exprime lui aussi en sol-mi-la-sol-mi, laisse à penser qu’il pourrait en être issu. Des anthropologues ayant parcouru les Vosges et franchi leur ligne bleue, ont pu témoigner de l’existence d’un biscoco l’haricot local aux mêmes desseins avilissants, mais ceci est une autre histoire.
Na na na na nère quitta les cours d’écoles pour se réfugier dans les bibliothèques poussiéreuses et y être oublié, lorsque le genre musical et d’expression vocale dit « rap » proposa le plus agressif et direct va niquer ta mère, déclinable lui aussi en sol-mi-la-sol-mi. Sa proximité sonore avec le suranné na na na na nère lui permit d’assurer une transition aisée d’une génération de moqueurs à l’autre, rendant toujours possible la stigmatisation du mec à lunettes n’ayant fait aucune faute à la dictée, du naïf qui ne sait même pas comment on fait les bébés ou du fayot qui ira raconter à la maîtresse qu’on a trempé les craies dans l’eau, t’v’oir ta gueule à la récré.
Selon certains ultra-modernes, va niquer ta mère serait proche d’entrer en surannéité…