[sɑ̃tiʁ la naftalin] (loc. olf. VIEIL.)
La langue surannée a l’odorat sensible.
Pour elle ça sent le roussi quand les choses s’annoncent mal, le sapin quand le curé accourt, le vécu quand l’expérience parle, les vacances quand les jupes raccourcissent, le poney quand ça fouette, le chacal quand l’haleine dérange, le pâté quand la défaite est proche, le gaz quand les autres s’enfuient, le fennec quand l’odeur insupporte, la chair fraîche quand le vicelard s’active, la cocotte quand trop c’est trop, pas la rose quand ça pue, la poudre quand ça va chauffer, la quille pour le bidasse qui pète zéro…
Et la naphtaline quand vraiment c’est trop vieux.
Un nez moderne dirait que ça sent la naphtaline lorsqu’il sent C10H8.
Si l’on ne peut lui donner tort, il devra savoir qu’il use ce faisant d’une expression désuète signifiant précisément cette désuétude (une hyperbole métalogique en quelque sorte).
Le parfum sénescent de sentir la naphtaline ne peut se comprendre sans revenir sur la fonction première des petites boules blanches déposées dans les armoires (normandes ou non) dès 1868¹ : repousser les mites dévoreuses de laine, de tapis, de soieries. C’est que les tinéidés en ont bouffé des pulls mohair², des déshabillés du catalogue de La Redoute, des carrés de soie lyonnaise et des couvertures en laine qui gratte. Alors grand-maman garnit les étagères de ce produit qui donnera aussi le napalm, c’est dire s’il en connaît un rayon côté ennemi à zigouiller.
L’odorat humain étant particulièrement sensible à la naphtaline qu’il détecte dès 0,04 partie par million (ppm), il apprendra rapidement que chez mamie ça sent la naphtaline et conservera ce souvenir pour la vie, le tordant légèrement pour en faire une expression du has been.
Le moderne ne supportant pas tout ce qui date d’hier (le vieux ça fait désordre), va faire des pieds et des mains pour rendre surannée sentir la naphtaline.
En 2009 c’est l’Union Européenne et son Haut Comité de Santé Publique, excusez du peu, qui interdisent officiellement l’utilisation de la naphtaline dans les produits biocides. Le jeunisme a gagné : on ne dira plus que ça sent la naphtaline; et on pourra en toute impunité pousser mémé dans les orties ou, à défaut, l’enfermer à l’hospice (mais ceci est une autre histoire).