[naviɡé su le kap fèjo] (loc. verb. CUIS.)
Loin des preuves modernes et irréfutables des vidéos circulant sur les réseaux sociaux, en ces temps où ces espions du quotidien n’existaient même pas dans le cerveau des savants les plus fous, vous l’avez chanté.
Oui, c’est une certitude, vous avez entonné à tue-tête le refrain de la chanson : 🎶patates-fayots, patates-fayots, c’est le régime, c’est le régimeuh, patates-fayots, patates-fayots, c’est le régime de la colo🎶!
Vous doutiez-vous, naïfs brocardeurs des monos (🎶aux aaaarmes les colons, prenez vos polochons, tapez, taaapez, sur les mooonos, jusqu’à c’qu’ils soient ko🎶), qu’en scandant ainsi le menu récurent de la cantoche, c’est à naviguer sous le cap fayot que vous rendiez un vibrant hommage ?
Née des voyages au long cours, naviguer sous le cap fayot est une image marine laissant présager du bout du voyage, une sorte de synonyme de la plus terrestre fin des haricots. En effet, quand le gabier n’a plus que des fayots à manger c’est que la réserve de nourriture arrive en zone critique puisque, comme chacun sait, les fayots c’est tout juste bon à faire des projectiles pour une belle bataille cantinière et c’est mauvais à manger.
NDLR : en cas de doute, reprendre le refrain ci-dessus.
Naviguer sous le cap fayot est moins enviable que passer les quarantièmes rugissants ou même se pavaner sur le pont dans les cinquantièmes hurlants, là où, toujours selon les vieux loups de mer, il n’y a plus de dieu. C’est dire si naviguer sous le cap fayot c’est bien la fin de tout.
Bien entendu, une telle expression ne pouvait naître dans une autre langue que le français, celle de la cuisine et de l’exigence gustative, celle qui traite de fayot le vantard de la classe et le venteux de l’assiette. Et comme en France tout se termine toujours en chanson c’est avec 🎶patates-fayots, c’est le régime de la colo🎶 qu’il faut célébrer la fin et naviguer sous le cap fayot.
Naviguer sous le cap fayot devint surannée en même temps que la marine à voile, les gigantesques paquebots remplaçant les bricks et goélettes emportant désormais dans leurs cales tout ce qu’il faut pour que le marin mange jusqu’à plus faim (ce qui est un progrès). Le ventre plein, le cap-hornier et le marin d’eau douce en oublieront l’expression.
Selon la légende, on perd la trace de naviguer sous le cap fayot lors d’une escale à Recife ou à Montevideo, mais ceci est une autre histoire.