[ne pa avwar ɡardé lé kòSô âsâbl] (loc. porc. GRUÏK.)
Non que dans les temps surannés les relations sociales fussent plus dures, mais la langue d’alors s’était dotée de plusieurs formules repoussoir destinées, comme leur nom l’indique, à émettre à l’intention d’un gêneur une phrase codifiée lui enjoignant de garder ses distances.
Ruralité de la France oblige, on retrouve dans le florilège des syntagmes rabroueurs le cinglant ne pas avoir gardé les cochons ensemble qui entend remettre à sa place de porcher (un métier jugé rustre) celui qui se permet une familiarité que son interlocuteur ou interlocutrice n’entend pas accepter.
Paroles ou gestes peuvent faire l’objet d’un ne pas avoir gardé les cochons ensemble.
Par exemple pour une femme, une interaction tactile trop poussée dans l’ascenseur de la part du type du troisième (celui-là même qui a en charge le photocopieuse de l’étage) se gèrera avec un nous n’avons pas gardé les cochons ensemble en semonce, puis un soufflet et un coup de genou en valseuses s’il s’avère que le gonze, insistant, croyait se souvenir du contraire. Pour un homme, un tutoiement un peu rapide dans le cadre d’un différend sur l’interprétation du code de la route pourra faire utiliser ne pas avoir gardé les cochons ensemble.
Ne pas avoir gardé les cochons ensemble peut s’énoncer dans de multiples occasions.
Il est à noter que son contraire n’existe pas comme tel : avoir gardé les cochons ensemble ne s’utilise pas pour décrire une grande proximité. Signalons que c’est néanmoins au gagnou que la langue surannée fait appel pour mentionner l’amitié profonde puisqu’elle a en magasin être copain comme cochon.
Les études démontrent que le métier de garçon porcher – tout comme celui de pâtre – a d’ailleurs toujours été une activité solitaire et qu’en réalité personne n’a jamais gardé les cochons avec qui que ce soit. Ne pas avoir gardé les cochons ensemble est donc un truisme (et ne pas avoir gardé les cochonnes ensemble n’existe pas).
La disparition du paysage de l’animal désormais engraissé et élevé intensivement conformément à la directive du conseil européen 91/630/EEC est la raison majeure qui va vouer ne pas avoir gardé les cochons ensemble au suranné.
Aucun moderne n’ayant ainsi jamais approché un cochon en dehors du Salon de l’agriculture, il lui semble plus qu’incongru de se voir opposé un refus sur la base d’une garde partagée dudit animal. Ne pas avoir gardé les cochons ensemble ne s’avère plus d’aucun intérêt pour la conversation.