[ne pa fèr rir lé mwèt] (loc. verb. MDR.)
Plutôt sociable et sympathique, la chroicocephalus ridibundus passe le plus clair de son temps à becqueter et à se fendre la poire. Elle est ainsi la mouette rieuse, toujours prête à faire le gugusse histoire de se gondoler avec ses congénères. Et quand elle se bidonne pour un guano bien balancé sur un promeneur en ciré jaune, ça en fait du barouf.Son humour des plus potaches et scatophiles niveau blagues de Toto est donc aisément accessible, preuve s’il en fallait que la mouette rieuse n’aime rien de plus que partager un peu d’hilarité. Si par hasard elle venait à ne pas se gausser, ni même à ricaner, à pouffer ou à esquisser quelque rictus, c’est qu’il y a comme un malaise. Ne pas faire rire les mouettes a été inventé pour marquer cette froideur.
Si une galipette, une historiette ou même un contrepet ne fait pas rire les mouettes, sonnez hautbois, résonnez musettes et envoyez aussi du tocsin : on est dans le bide monumental, l’instant de solitude, l’effroi, le four le plus complet, et il est plus que temps de fuir. Le comique sans esprit qui vient de se vautrer cherchera bien souvent à rattraper cette situation qu’il imagine venue d’un simple malentendu. Creusant encore alors qu’il est au fond du trou il redoublera de mimiques, d’emphase, précisera, redondera… mais échouera car non, vraiment, ça ne fait pas rire les mouettes.
De mine dépitée en sourcils froncés, ne pas faire rire les mouettes est devenu synonyme de la peur panique que pourra inspirer tout individu peu porté sur le rire : surgé, adjudant-chef, sous-chef de service, inspecteur des impôts, belle-mère, gardien de square. D’une nature refusant la gaudriole (pour des raisons qui m’échappent encore), les membres de ce triste catalogue ne trouvent pas matière à faire rire les mouettes en divers poissons d’avril, lits en portefeuille, utilisation artistique des possibilités de la photocopieuse, retard de paiement, jeux de mains, jeux de ballons sur pelouse, etc.
Bien heureusement, la disparition progressive de leurs prérogatives respectives (à l’exception notable de l’imposition) fit reculer l’usage de ne pas faire rire les mouettes jusqu’à en devenir suranné, le siècle moderne n’étant empli que de la meilleure humeur et des plus beaux sourires évidemment.
Poussée notamment par l’allégresse générale et le talent sans bornes des comiques de scène nous narrant leurs irrésistibles aventures quotidiennes dans des textes ciselés, ne pas faire rire les mouettes n’eut plus aucune utilité après le départ parfois accéléré de types¹ n’ayant pas eu la décence télévisuelle de s’enfermer dans des maisons et de s’y filmer vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour nous montrer tout leur génie.
Désormais règne le XPTDR.