[ne pa se prâdre pur la kö dyn pwar] (loc. verb. FRUI.)
Le degré supérieur de la prétention semble avoir été trouvé (par la langue) dans l’évocation du pédoncule haut d’un fruit doux et sucré, connu sous les appellations de Belle épine du Mas, Beurré Chaboceau, Alexandrine Douillard, Doyenné du Comice, Colmar de Chin et deux milles autres aux noms tout autant délicieux : la poire.
Est-ce parce qu’elle est suprêmement ridicule, cette petite queue dressée, que ne pas se prendre pour la queue d’une poire traduit l’ultime stade du m’as-tu-vu, parce que, comme chacun le sait bien, dans le règne animal quand on a une petite queue on ne la ramène pas ?
En effet, tout être caudal sent d’instinct que son rang dans la troupe sera proportionnel à la taille de son appendice. C’est ainsi. La poire¹ avec son pédoncule ridicule la met donc en veilleuse et se range derrière la queue piquante de l’ananas, la double voire triple des cerises et bien évidemment l’immense gynophore des cacahuètes.
Celui qui ne se prend pas pour la queue d’une poire bafoue donc un ordre ancestral qu’il soufflette de son orgueil. La Nature n’appréciant que très peu les coups de queue en plein visage, elle confiera à la langue la tâche de ramener sur terre le blanc-bec snobinard avec ne pas se prendre pour la queue d’une poire. Et le fat cherra.
Comme une poire trop mûre tombant sur la tête d’un Newton assoupi sous son arbre², ne pas se prendre pour la queue d’une poire rappelle à l’ampoulé qu’il n’est qu’un âne bâté.
Bien que promouvant la consommation quotidienne de cinq fruits et légumes, le moderne dévoué aux perversions les plus viles de l’innovation à tout crin, décidera un jour de vendre (plus cher) la poire pelée et découpée en quartiers, le tout emballé sous plastique. Béat d’admiration, l’urbain oubliera qu’une poire ça se cueille dans le verger du voisin, qu’elle est mûre quand on peut lui faire faire un quart de tour, et que ça se croque à pleines dents pendant qu’on descend jusqu’à la mare aux canards.
Dans la foulée il oubliera aussi de ne pas se prendre pour la queue d’une poire, mais ceci est une autre histoire.
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