[nə pa sə vwaʁ ɑ̃ maʁʃɑ̃ vit] (loc. excus. CAPILL.)
Le propos se veut rassurant, bienveillant, bien que pétri d’une contradiction que seuls les enfants ou les naïfs ne détectent pas. La langue surannée est ainsi zigzagante, dézinguant le zigue qu’elle entendait chaperonner.
Ne pas se voir en marchant vite, souvent utilisée sous la forme affirmative « ça ne se verra pas en marchant vite », cache en effet difficilement les travers qu’elle comptait maquiller. Énoncée après de longues et vaines tentatives d’arranger quelques petits détails capillaires, l’expression est en réalité un aveu d’échec cuisant : ce dégradé bien dégagé derrière les oreilles est un fiasco.
Il est probable que ne pas se voir en marchant vite fut créée en Mésopotamie, quand les nobles faisaient friser leur barbe et teindre leurs longs cheveux à l’instar de Sargon II, roi de Babylone, vraisemblablement servie comme ultime excuse à un dignitaire peu satisfait de sa couleur qui menaçait d’empaler son coiffeur¹.
Le merlan ayant obtenu la grâce de son seigneur, ne pas se voir en marchant vite devint peu à peu l’argument massue pour les bâcleurs en tout genre, plus pressés de facturer leur méfait que d’affermir leur savoir-faire.
Les questions liées à l’apparence prenant de plus en plus d’importance au cours des siècles, c’est le bonimenteur qui se mit à marcher vite, à tel point qu’il en devint ambulant, ne cessant jamais le mouvement afin d’échapper à la vindicte des crédules ayant un instant gobé que ça ne se verrait pas en marchant vite.
Le sort qui lui était réservé s’il était attrapé était fixé par la coutume : une semaine de pilori pour un ça ne se verra pas en marchant vite concernant une coupe au bol dite « à la Mireille Mathieu », supplice de la roue pour des mèches blondes et racines brunes qui ne se verront pas en marchant vite, bannissement à vie pour une permanente donnant l’air d’être cousin avec Kiki, le caniche de Madame Musquin.
Seule échappait à la condamnation maman, quand elle se mettait en tête de s’occuper de celle de sa progéniture jusqu’à constater que coiffer est un métier et de conclure que ça n’allait pas se voir en marchant vite².
Ceux-ci croyant flairer un bon filon, ne pas se voir en marchant vite fut un temps la parade de peu scrupuleux vendeurs de prêt-à-porter coupé-cousu à la va-vite-parce-que-sinon-c’est-pas-rentable-déjà-que-ça-me-coûte-1$-par-jour-ces-mômes, mais la crédulité limitée à propos des pantalons qui font des grosses fesses les obligea à changer de stratégie.
Ne pas se voir en marchant vite fut classée surannée quand le consommateur enfin avisé ne s’avéra plus sensible à l’argutie.
On la vit remplacée par un plus tendance ça se porte court cette année ou un indiscutable ça plait beaucoup aux jeunes, qui à leur tour sauvèrent du pal plus d’un moderne menteur.
C’est commerce équitable serait une valeur montante. Mais ceci est une autre histoire.