[ne pa i avwar fòto] (loc. sport. PHOT.)
C‘est à quelques milliers de kilomètres de la France qu’est née l’expression ne pas y avoir photo. À Stockholm très précisément, entre le 29 juin et le 22 juillet 1912, dans le cadre des cinquièmes Jeux Olympiques de l’ère moderne.
Alors qu’on se contentait jusqu’à ces jours de clichés d’athlètes triomphants (ou satisfaits d’avoir participé puisque l’essentiel est là), le premier dispositif de photo-finish jamais mis en place permet de départager les compétiteurs transpirant et souffrant pour être certain de décerner la médaille d’or au vainqueur.
En 1912 il n’y a pas photo pour la première fois
L’incertitude générée par la proximité de Ralph Craig (10s8), Alvah Meyer (10s9) et Don Lippincott (10s9) sur la ligne d’arrivée de l’épreuve du 100 mètres est levée grâce à la photographie finale.
Ne pas y avoir photo s’impose instantanément pour désigner une différence évidente entre deux performances, y avoir photo précisant quant à elle que l’entendement humain ne peut seul décider.
La grosse ficelle, summum de la technologie et symbole de la ligne d’arrivée (cf. fig. A.) va être la première à en pâtir.
Ne pas y avoir photo déploie son influence dans le langage à la vitesse de capture de l’image d’une lentille rapide avec une ouverture de 0,12 mm et irrigue tous les sujets : tiercé, politique, plastique des actrices, etc. Chacun peut désormais déclarer haut et fort qu’il n’y a pas photo entre Seabiscuit et War Admiral, entre Jean Jaurès et Maurice Barrès, entre Lauren Bacall et Joan Bennett, pour affirmer ses goûts et préférences.
Ne pas y avoir photo charrie tout le péremptoire d’une étude scientifique pour s’imposer; s’il n’y a pas photo il n’y a pas à discuter. Notons que s’il y a photo, il n’y a plus à discuter après sa sortie des différents bains¹, ce qui suppose d’attendre entre quelques minutes et quelques jours² au cours desquels la discussion pourra s’enflammer.
L’inimaginable transformation d’un appareil initialement conçu pour donner un coup de grelot en appareil photographique à l’aube des années modernes fera cesser illico l’usage de ne pas y avoir photo.
Cette déflagration moderniste s’adjoignant les services de programmes informatiques capables de métamorphoser en quelques secondes une figure commune en minois des plus affriolants, il se mettra à y avoir photo en toute occasion, du lever au coucher.
Photo des tartines du petit-déjeuner, photo de la tenue vestimentaire du jour, photo de tout phénomène météorologique remarquable (pluie, neige, soleil, etc.), photo d’une tasse à café, photo d’un trottoir éventré, photo d’une mine boudeuse puis re-photo en version réjouie, photo de ci, photo de ça : il y a toujours photo et sans attendre le développement.
Grâce au Smartphone, ne pas y avoir photo est surannée.