[nyméròté séz- abati] (loc. guerr. NUM.)
Quand toutes les chances ont été données à la paix sans pour autant rencontrer de succès, quand les coups de semonce n’ont pas découragé les excités, il faut se préparer à la baston. Celle qui montre qui c’est Raoul, celle dont on sait qu’elle va éparpiller par petits bouts, façon puzzle.
Et donc quand il va y avoir du grabuge, il est de bon ton de numéroter ses abattis, histoire de les recoller au bon endroit en revenant de la bataille monté comme un Monsieur Patate passé dans les mains d’un enfant de deux ans, oreille à l’envers et bras gauche à droite. Savoir compter jusqu’à quatre ou cinq est utile sous peine de se retrouver monté à la six-quatre-deux après s’être fait démonter.
Numéroter ses abattis concerne en effet ailes, pattes et crête qui firent débuter abattis chez la volaille avant d’en transmettre (via l’argot des garçons bouchers) l’usage à la valetaille qu’on envoie au casse-pipe se faire hacher menu et désigner ainsi bras, jambes et tête.
Paradoxalement, la naïveté de l’expression utilisée comme intimidation est censée décourager l’agresseur et lui faire comprendre que ça va swinguer puisqu’il est urgent pour lui de définir une nomenclature pour ses membres. Plutôt qu’une menace trop savante du type envoyer ad patres, qui suppose que l’ennemi aura passé du temps à potasser thèmes, versions et déclinaisons, numéroter ses abattis a le mérite de l’efficacité.
Elle rencontrera tout de même ses limites lors des conflits mondiaux et majeurs.
En effet, incomprise des féroces soldats mugissant dans nos campagnes pour la bonne et simple raison qu’ils beuglent dans une autre langue que la nôtre, numéroter ses abattis n’impressionnera pas lors de quelques guerres qui disperseront et ventileront façon Raoul (cf. princeps). N’ayant malheureusement été pensée qu’en français, l’expression devra se cantonner aux querelles intestines et aux rixes de baloche du samedi soir.
Une lacune qui lui coûtera sa place dans la langue et lui fera rejoindre les rangs des désuets.
Tout juste reprise dans quelques commentaire pugilistes ou rugbystiques, numéroter ses abattis disparaît définitivement avec le volubile Roger Couderc¹ qui emporte aussi avec lui « allez les petits ! », en 1984.
Notons que le destin suranné de la formule n’aura aucune incidence sur les relations internationales, celles-ci trouvant toujours dans l’équarrissage au champ d’honneur la solution aux différends de voisinage (mais ceci est une autre histoire²).