[lœf dyʁ o kɔ̃twaʁ] (cuis. COT. CO.)
Il y a dans la conjonction de la frugalité du met et le geste martial de brisure de sa coquille un je-ne-sais-quoi des plus surannés qui le rend tendre à mes yeux.Et pourtant l’œuf dur au comptoir n’est pas un condensé de glamour et de sophistication culinaire. Simple à réaliser pour le plus piètre cuisinier (moi), il contient cependant une charge émotionnelle fabuleuse.
Tout d’abord il se déguste accoudé au zinc d’un bistrot de routiers, quelque part sur une route nationale en direction d’ailleurs; il est tôt, on a roulé toute la nuit et le conducteur a besoin d’un café.
L’œuf dur est là avec quelques congénères posés sur un modeste tourniquet chromé, tous ensemble cernant une salière immaculée. D’un geste nonchalant, sans aucune avidité, la main le saisit et c’est un petit coup de poignet qui va le fendre sur l’arrondi du zinc. Un doux claquement indiquera qu’il peut désormais être déshabillé de sa carapace protectrice.
D’un premier coup de dent ou mieux à l’aide d’un Opinel il est décalotté, et le sel abondant vient confondre sa couleur à la sienne. L’œuf dur au comptoir est alors dégusté sans plus de cérémonie en cet instant païen de quiétude rassasiée.
Avec un café de plus on sera prêt à reprendre la route. Il y a encore un peu de chemin.