Olé-olé [ole ole]

Fig. A. Olé olé au cabaret.

[ole ole] (AUDA. OLÈ. CORRID.)

Il est des expressions qui, à elles seules, dégagent un parfum de scandale feutré, un léger frisson d’interdit, une promesse de regards appuyés et de joues qui rosissent. Olé-olé est de celles-là.

Ce doublet chantant venu tout droit de la péninsule ibérique évoque l’exubérance des arènes et l’enthousiasme des foules criant « Olé ! » devant les prouesses d’un matador. Mais dans les temps surannés, il s’est rapidement teinté d’un autre sens, bien moins taurin et bien plus coquin.

Car ce qui est olé-olé, c’est ce qui dépasse les bornes du convenable, ce qui chatouille la morale sans pour autant sombrer dans l’obscène. Un film aux scènes audacieuses, une revue légèrement déshabillée, un cancan qui fait rougir la baronne mais sourire le vicomte, voilà du bon olé-olé. Le mot s’applique aux plaisirs du regard et aux libertés du langage, toujours avec cette retenue affectée qui permet de condamner du bout des lèvres ce que l’on contemple avec délice.

C’est au XIXᵉ siècle, époque de paradoxes où l’on prône la vertu en feuilletant des gravures lestes, que l’expression prend son essor. Les cabarets de Montmartre et les cafés-concerts des Grands Boulevards regorgent de spectacles un brin olé-olé, où les gambettes s’affichent plus qu’il ne faudrait et où la censure ferme les yeux quand elle ne glisse pas quelques pièces au chapeau de la danseuse.

Dans la presse illustrée des années folles, les revues coquettes et les affiches aguicheuses vantent leurs charmes en annonçant sans détour « Costumes olé-olé ! », invitation implicite à voir ce que la pudeur officielle réprouve et que la curiosité populaire réclame, et non à contempler les habits de lumière d’Emilio Torres Reina dit Bombita ou de Manuel García Cuesta, El Espartero.

Olé-olé n’est jamais franchement graveleux, il reste dans ce flou élégant où l’on suggère plus qu’on ne montre, où l’on murmure plus qu’on ne clame. Il est ce petit clin d’œil du vieux concupiscent et ce gloussement de la mondaine faussement choquée.

Mais en modernité les nouveaux bigots sont dans la ville. Et ils ne font pas vraiment dans le olé-olé. Eux qui ne rêvent que de couvrir ce sein qu’ils ne sauraient voir (par de pareils objets les âmes sont blessées, et cela fait venir de coupables pensées) appellent à une époque où l’on ne minaude plus, où l’art de l’implicite est subversif et où il doit être sévèrement condamné s’il est olé-olé. Coquin tu sors !

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