[pâtalònad] (n. fém. COMMED.)
Il est des mots délicieusement surannés qui doivent se dire avec l’accent. Ne me demandez pas pourquoi, c’est leur destin d’être prononcés de la sorte pour rendre compte de ce qu’ils sont; c’est ainsi.
Celui que voici se dit nécessairement avec l’accent du Sud (je vous le laisse sur un grand Sud allant de Marseille à Montpellier, je suis grand seigneur et surtout trop peu connaisseur pour vraiment faire la différence).
Je vous demanderai donc de bien vouloir lire cette chronique avec l’accent du Papet, d’Escartefigue, de Panisse ou d’Ugolin, c’est comme il vous plaira. En vous remerciant. C’est parti.
Pantalon (le personnage, pas la pièce de tissu) qui donna son origine à la pantalonnade (vous entendez comme ça sonne juste avec l’accent de Provence) surgit de la Commedia dell’arte¹ et est de fait largement suranné.
La pantalonnade possède ce caractère unique d’être une farce dans la farce, mais une véritable farce grotesque et malvenue dans la farce voulue de la comédie théâtrale. Quand ce qui se voulait joué vire au surjoué, quand ce qui se prétendait comique bascule dans la bouffonnerie, on est en pleine pantalonnade.
L’art théâtral périclitant avec la production massive de sitcom à rires pré-enregistrés ou autres épisodes VII du « Retour de la vengeance » de blockbusters États-Uniens, la pantalonnade a disparu du langage critique pour ne s’entendre plus que dans les travées feutrées de vieilles institutions de boulevards quand l’amant claque un peu trop fort la porte du placard ou que le mari benêt déclame son arrivée et qu’au final on n’y croit guère (vous rentrez chez vous en parlant très fort et en tapant des pieds, vous ?). Elle est ipso facto devenue surannée.
Et pourtant, pourtant… sa pratique est quasi quotidienne par les sachants médiatisés s’essayant sans maîtrise à la rodomontade tant est si bien que leurs effets de manche filent en pantalonnade. Combien de responsables venus faire montre de leur responsabilité devant les caméras de la télévision (ne lâchez pas l’accent du Sud c’est important) se sont ainsi fourvoyés et ridiculisés ?
La pantalonnade ne s’est jamais aussi bien portée depuis qu’on a imaginé les émissions où les uns viennent asséner leur vérité tandis que les autres les contredisent montés sur grands chevaux.
Le hochement amplifié, le refus tout en mime, le désaccord tellement désaccordé qu’il passe pour un œdème de Quincke : ces comédiens médiocres n’ont rien des gens de l’art, ni Arlequin, ni Colombine, pas même Pantalon.
Et les serviles flatteurs de basse-cour qui les choient et les entourent ne sauront pas leur dire combien fut réussie leur pantalonnade : je suis certain qu’ils en connaissent à peine le sens.
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