[papjé pur ékrir a ɡijom] (gr. verb. GUER.)
Notre époque ne comptant plus de poilus¹, une définition rendant hommage à leur usage de la langue dans les tranchées boueuses ne sera pas de trop. Car c’est à ces hommes dont les noms parsèment les monuments des villages de France avec la mention « morts pour la France », et à ceux qui revinrent de la Grande Guerre, la der des ders², que nous devons le papier pour écrire à Guillaume³ que vous réclamâtes peut-être, coincé dans la cabane au fond du jardin.
Le langage soldatesque souvent soupçonné de ne pas faire dans la dentelle dans un souci de recherche d’efficacité, peut néanmoins s’avérer fleuri et pudique, comme le papier pour écrire à Guillaume nous le propose dans un premier temps. Nous verrons qu’il s’avérera moins délicat au final.
Le papier pour écrire à Guillaume est en effet la figure rhétorique désignant le papier hygiénique (souvent résumé en PQ), matière plus ou moins douce dont l’objectif est d’éviter le cachet de la mairie. Il peut paraître pour le moins surprenant que des hommes au combat, baïonnette au canon, prêts à occire tout ce qui portera vert de gris, mettent tant de délicatesse dans une appellation qui supporterait largement de la trivialité, mais attendez de savoir qui est donc ce Guillaume…
Nota : on imaginera aisément l’état du papier pour écrire à Guillaume une fois utilisé. Nul descriptif rédigé ne saurait en rendre compte facilement, aussi votre encyclopédie comptera-t-elle sur votre imagination voire votre expérience.
La missive et son contenu peu avenant la couvrant, reste donc à l’adresser. Comme l’expression le propose c’est à Guillaume qu’il faut l’envoyer. Mais qui est ce Guillaume que le soldat mésestime à ce point ?
Selon nos recherches, il est plus que certain qu’il s’agisse de Guillaume II, empereur d’Allemagne et chef des armées de la tranchée d’en face, à qui les damnés du chemin des Dames ou de la bataille de Verdun souhaitaient faire part de leurs sentiments les moins cordiaux. Nul doute que s’il avait reçu la moindre de ces lettres, Guillaume II eut compris qu’à l’ouest il y avait bel et bien du nouveau : il n’y était guère plus populaire qu’un étron.
Le papier pour écrire à Guillaume se répandit dans les bourgs et les campagnes avec le retour des gueules cassées et autres vivants rescapés du massacre. Il fit une carrière honorable jusqu’à ce qu’une marque de produits en cellulose à usage unique, Lotus, ne vienne lui voler la vedette grâce aux exploits publicitaires d’un petit blondinet cherchant sa mère (mais ceci est une autre histoire).
Le papier pour écrire à Guillaume avait cependant battu en retraite depuis quelques années, le kaiser ayant abdiqué le 9 novembre 1918 et son exil batave l’ayant proprement mis au ban d’une société qui envisageait de le pendre.
A ce jour, aucun historien n’est en mesure de nous dire s’il reçut l’une ou l’autre de ces nombreuses lettres qui lui furent envoyées.