[patat Sod] (loc. nom. AMERIC.)
Procrastination et refus de gérer des sujets jugés brûlants n’épargnaient pas les temps surannés, voyez-vous.
La flemme et l’aboulie pouvaient toucher tout un chacun et donner lieu ainsi au petit jeu connu sous le nom tuberculeux de patate chaude; comment en aurait-il pu être autrement dans ce pays où tout se termine en banquet ?
Rapportée d’Amérique après les exploits découvreurs de Cristóbal Colón, né Cristoforo Colombo, la pomme de terre est ce petit morceau de cordillère des Andes devenu en quelques siècles un éléments de base de l’alimentation humaine, à tel point qu’elle en est même recommandée par l’ONU pour atteindre la sécurité alimentaire. Découpée en frites ou en quartiers, cuisinée en gratin dauphinois, sautée en petits dés, mixée en hachis Parmentier, fondue en aligot, pressée en purée, dorée en robe des champs, la patate se mange principalement chaude bien que, précisément, quand elle l’est, la difficulté à l’ingurgiter soit évidente.
C’est de ce constat culinaire que s’est nourrie la langue surannée pour poser la patate chaude en allégorie du sujet dont nul ne souhaite s’occuper. Comme souvent l’observation est la source de l’expression et l’on peut supposer que quelques convives empressés au barbecue organisé par Isabelle1ère de Castille et Ferdinand II d’Aragon pour célébrer le retour de tonton Cristóbal, furent à l’origine de la chose : attrapant cette patate chaude venue des Amériques et cuite sous la braise, les nobliaux en cour se brûlèrent les mains et décidèrent alors sagement de confier à d’autres la double charge de la déguster et d’aller massacrer de l’Aztèque pour ramener de l’or.
En devenant la principale denrée alimentaire non céréalière du monde et surtout accessible à tous, la pomme de terre répandit avec elle l’usage francophone de la patate chaude. Les divers modes de gouvernance de l’État consistant à léguer au suivant les dossiers compliqués finirent par installer la patate chaude comme une locution quotidienne.
Bien paradoxalement, alors qu’elle occupait une majorité des assiettes, la patate chaude perdit tout son sens expectant. Certains prétendent que l’émergence du Taylorisme et de son implacable organisation firent disparaître, de fait, la nécessité de faire appel à elle, nulle patate chaude ne pouvant émerger de l’organisation scientifique du travail.
Au sein de cette noble encyclopédie nous doutons de cette thèse, la remise à autrui ou à un autre jour du traitement des questions qui dérangent nous paraissant être d’une actualité tout au moins aussi chaude que ces patates désormais surannées.
N’est-il pas ?