[pété dâ la mê] (loc. verb. VENT.)
Tout affable et fort sympathique que peut être le contemporain des années surannées, il sait pour autant demeurer à sa place quand convenances et bienséance le lui imposent.
Il ne saurait par exemple se montrer outrageusement familier avec une personne entrevue une ou deux fois dans quelque pince-fesses¹, et s’en voudrait qu’on use à son endroit de la très craspec expression péter dans la main pour décrire son comportement.
Réservée à la désignation de qui cultive l’intimité alors qu’il n’y a pas été autorisé, péter dans la main fait volontairement dans le breneux pour rendre compte de ce qui se situe évidemment au-delà du tolérable; les vents sont en effet de l’ordre du for intérieur – ou du moins devraient l’être – et il n’est pas un instant envisageable qu’ils viennent souffler dans la paume ou sous le nez de quiconque.
On dira donc de cet individu qui en interpelle un autre à voix haute comme si les deux avaient gardé ensemble depuis leur plus tendre enfance un troupeau de cochons qu’il lui pète dans la main, tout comme de celui-ci qui établit avec une interlocutrice inconnue une distance habituellement propice à l’échange de fluides buccaux et ferait mieux de rectifier l’attitude. En effet, celui qui commence par péter dans la main finira par chier dans les bottes. Il est donc impératif de stopper ses familiarités au premier tutoiement (la langue française ayant le bon goût du vous), à la première liberté prise avec les égards de base que le moindre manuel de savoir-vivre professe.
L’émetteur de ces flatulences ayant souvent tendance à les effectuer plus haut que son séant, péter dans la main deviendra un mélange de suffisance et d’inconvenance donnant lieu au passage à la création du bien senti trou de balle pour dénommer le péteur en question (mais ceci est une autre histoire).
Péter dans la main sentait un peu trop le souffre pour survivre dans une modernité où le sens olfactif est proche du tabou.
Répugnant à s’exprimer sur les choses de l’odeur, oubliant son nez qui pourtant l’alerte s’il en a, le moderne va laisser tomber en désuétude la flatuosité. Un tort : il n’a désormais plus une seule locution pour remettre à distance le gêneur qui vient lui péter dans la main.