[pété dâ la swa] (loc. verb. PROU.)
Le suranné, ce paradoxe, se plait parfois à être imagé et cradingue. Voire vulgaire pourquoi pas.
En étudiant la flatulence noblement enrobée de cette définition nous pourrions remonter jusqu’à Aristophane, Ἀριστοφάνης, ce poète comique grec du Vᵉ siècle avant JC, précurseur en calembours qui évoqua les vents dans Les Nuées, comédie grecque classique sur le conflit entre les modernes et les anciens (eh oui, déjà). Mais nous n’en ferons rien, préférant nous concentrer sur la rigueur plutôt que sur la comédie.
Péter dans la soie sous entend avant tout de se laisser aller dans des draps ou de la lingerie de soie. Cette fibre textile d’origine animale produite par la chenille du bombyx du mûrier pour la soie de culture, et du ver à soie Tussah pour la soie sauvage, peut donner un tissu fort précieux, fruit d’un art millénaire (le plus vieux fragment de soie découvert en Chine datant de -2570) et qui suivra une longue et sinueuse route qui porte désormais son nom pour faire le voyage depuis Pékin jusqu’à Lyon. La capitale des Gaules devenant celle de la soie la plus noble sous le règne de François Ier.
Les grandes maisons de la Croix-Rousse feront fortune avec leur art de tisserand, fournissant les exigences des rois puis de la haute-couture parisienne qui drape les élégantes du monde entier dès le XIXᵉ siècle. Pleins aux as, les cent vingt deux marchands en soie et trois cent cinquante quatre négociants-fabricants lyonnais que l’on compte en 1866 font bombance quotidienne pour profiter du fruit de leur labeur. Dans les bouchons on débute à la rosette, au saucisson et au Jésus, on enchaine sur de la poularde demi-deuil, du poulet Célestine, des quenelles et du gratin dauphinois, et on termine au Saint-Genix, à la galette au sucre et au Saint-Félicien. Le Beaujolais coule bien entendu à flots.
Autant dire que le soyeux est ballonné quand il rentre se coucher.
Selon toute vraisemblance et nos recherches académiques, c’est de là que viendrait péter dans la soie. Évidemment le riche marchand dort dans des draps de soie et lorsque la digestion aidant, les gaz intestinaux accumulés dans l’intestin doivent être expulsés, il pète. Il pète donc dans la soie, gavé de ses agapes célébrant sa fortune.
La formule est restée, signifiant la richesse qui étale sans fard une certaine aisance qui se cantonnait jusqu’alors en un lieu du même nom.
Le 28 février 1935 sonne le glas de ces inconvenances. Trois ans après la naissance de Nadine de Rothschild (18 avril 1932), Du Pont de Nemours invente le nylon. La conjonction de ce tissu moderne dit soie artificielle et l’avénement théorisé des bonnes manières portées par Madame la baronne renverront péter dans la soie dans la cabane au fond du jardin, lieu des plus surannés s’il en est.
Des formulations hip-hop auront beau voir le jour, bling-bling et autres très officiels signes extérieurs de richesse traqués par l’administration fiscale ne pourront remplacer la si bien imagée péter dans la soie. Même l’outrecuidance n’a pas la même odeur dans les années modernes.
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