[plèzâtri de ɡarsô de bê] (gr. nom. HUM.)
L‘humour a des degrés. Le second, pas facile à atteindre pour tout le monde, et le premier où zéro + zéro = la tête à Toto.
L’humour a parfois sa couleur : noire (souvent quand en réalité elle est plutôt une douleur, mais ceci est une autre histoire).
L’humour a son corps de salle de garde quand il devient trivial et l’humour a son loufiat distributeur de serviettes et savon pour son niveau rase-motte.
La plaisanterie de garçon de bains est en effet à l’esprit léger ce que les gaz du Pétomane sont à la parfumerie. Un truc qui peut faire rire un instant et qu’on tentera d’oublier honteusement dans la seconde qui suit.
Petite main du mouvement hygiéniste qui crée au XIXᵉ les bains publics et les vespasiennes (à une époque où il n’est pas convenu de se doucher chaque jour), le garçon de bains va entrer dans l’histoire de la langue grâce à ses calembours ras des pâquerettes.
Voyant passer un camion de pompiers défraîchit devant l’établissement où il officie, le garçon de bains s’écriera par exemple « on n’a jamais vu de camion si terne ». Plaisanterie de garçon de bains. À tel ou tel de ses clients un peu trop enrobé venu suer aux bains de vapeur il dira : « pour être dans les normes, il faut rester mince »; et s’esclaffera dans la foulée.
Des plaisanteries que le garçon de bains tire probablement de l’Almanach Vermot, ouvrage de référence en matière de calendrier lunaire, horoscope, ornithologie, agriculture et jeux de mots faciles.
On ne peut pas dire que ce roman de Tolstoï ne soit guère épais.
On trouve le garçon de bains et ses blagues à deux sous dans tous les établissements comme ceux des Bains Soufflot (entrées rue Soufflot et rue des Grès) proposant bains orientaux, bains de pluie, bains alcalins, bains à domicile, douches et barèges, bains de vapeur, fumigations et bains russes.
Ce sont ces derniers qui d’ailleurs inspireront la fameuse plaisanterie de garçons de bains « on ne peut pas dire que ce roman de Tolstoï ne soit guère épais », généralement reprise en fin de repas dominical quand les convives grisés se sentent l’âme d’un critique littéraire en verve étalant sa culture.
Dans un siècle moderne qui honnit les mots d’esprit jugés laids¹ et jouit de douches dans chaque logis, le garçon de bains n’avait plus rien à faire.
Il file en surannéité et ses plaisanteries avec lui lorsque le 21 décembre 1978 les Bains Guerbois (7 rue du Bourg-L’Abbé, Paris 3ᵉ arrdt.) deviennent Les Bains Douches, haut lieu de la nuit parisienne où l’on transpire autant que dans les fumigations, et où l’on n’est parfois guère plus vêtu que dans un bain alcalin…
Le fameux « je crois que ça va pas être possible » que la postérité noctambule attribue à Marie-Line qui zyeute à l’entrée n’est pas une plaisanterie de garçon de bains. Les petits rigolos n’ont plus rien à faire ici.