[plövwar kòm a ɡravlòt] (gr. verb. METEO.)
Avec ses 836 habitants recensés en 2014 par les services de l’Etat dûment mandatés pour ce faire, la petite commune mosellane de Gravelotte possède toutes les apparences du village français anonyme et tranquille entendant bien rester et l’un et l’autre.
Ça c’est pour le moderne citadin que 5,66 kilomètres carrés de surface n’impressionnent pas pour un rond et qu’une altitude moyenne de 320 mètres au dessus du niveau de la mer ne questionne pas un instant. Le bougre ne verra dans la culture betteravière locale qu’une simple activité agricole, et comme il n’a pas dû beaucoup écouter à l’école, il n’a jamais entendu parler de la bataille de Gravelotte et s’est trouvé comme deux ronds de flan si par hasard il a croisé l’expression pleuvoir comme à Gravelotte.
Sache donc, citadin qui n’a jamais mis les pieds en Moselle, que pleuvoir comme à Gravelotte rend hommage à pas moins de 5 300 morts et 14 500 blessés Prussiens et à 1 200 morts, 4 420 disparus et 6 700 blessés Français. Trente deux mille cent vingt bonhommes occis ou amochés par la guerre en août 1870, pour que Gravelotte rejoigne l’empire allemand et que Belfort demeure française. Tout ça pour ça…
Depuis, quand ça tombe dru, quand ça castagne sévère, que ce soit des bastos, des larmes ou des gouttes de pluie, on dit qu’il pleut comme à Gravelotte.
Pleuvoir comme à Gravelotte s’applique par extension à tout ce qui tombe comme une mouche ou s’abat comme la vérole sur le bas clergé : les emmerdes qui, rappelons-le, volent en escadrille¹, les femmes quand George Clooney balance son sourire à fossette, les remontrances quand arrive le bulletin de notes et ses appréciations sur mon attitude à l’égard du corps professoral.
Aucun abri, nul parapluie, pas la moindre excuse ne peuvent protéger quand il se met à pleuvoir comme à Gravelotte. On est alors sous la mitraille et il faut s’en remettre à la chance pour s’en sortir vivant.
La créativité humaine en matière de massacre s’avérant sans limite, pleuvoir comme à Gravelotte tombera au champ d’honneur dépassée par Hiroshima, Kigali, Varsovie, Manille, et tant d’autres villes symboles malheureux de la folie meurtrière de ceux qui n’aiment vraiment pas qu’on pense différemment.
Abasourdie, la langue surannée n’aura même pas le courage d’incorporer ces cités dans l’une de ses expressions, laissant Gravelotte et ses administrés conserver le secret du sens de pleuvoir comme à Gravelotte.