[plijé lé ɡol] (loc. PÊCH.)
Parfois il faut partir. C’est comme ça, tu le sens, c’est le moment. C’est un besoin irrépressible, partir, partir quand même quoi qu’il en coûte, partir loin ou partir pour toujours mais s’en aller.
Et d’autres fois il est simplement l’heure de partir parce que le bistrot va fermer ou qu’il fait un peu froid, parce que le soleil descend et que tu ne veux pas rouler de nuit, parce que le chien s’agite et voudrait bien marcher. Dans ce second cas il était accepté dans les temps surannés de dire qu’il fallait alors plier les gaules.
Plier les gaules ça sonnait très commun dans une France paisible qui passait ses congés au bord des rivières à taquiner le goujon, un chapeau de paille sur le front pour éviter les coups de soleil et une bouteille de Côte-de-Gascogne cachée bien au frais. Parce que c’était de là que nous venaient les gaules : de la pêche à l’ablette et à ses congénères, mais de la pêche comme une excuse pour pouvoir rêvasser en contemplant le fil de l’eau et en pestant si le bouchon s’agitait trop. Quand le pêcheur en avait eu assez de ses contemplations il pliait tout simplement les gaules.
Plier les gaules ce n’est pas fuir, c’est juste rentrer dans ses pénates mais c’est juré on reviendra demain. Plier les gaules c’est juste un au revoir parce qu’il faut bien y aller, mais jamais un adieu; c’est une promesse qu’il y aura un lendemain. Le pilier de bar plie les gaules, le travailleur plie les gaules, le voisin passé boire un café plie les gaules, tous les petits départs du quotidien reviennent à plier les gaules.
L‘expression s’oppose en tous points à filer à l’anglaise, fourbe et sournoise, car elle suppose du temps passé au remballage, une attention donnée au matériel, un soin porté à son rangement puisqu’il devra servir demain. Je plie les gaules mais demain je reviendrai. Si tu m’attends ici sur la rive du cours d’eau je reviendrai et nous boirons ensemble un verre de ce petit Tariquet que tu appréciais.
Plier les gaules c’est un peu moins chic que plier bagages, je vous l’accorde, mais il y a tant de sérénité dans ce rangement là que je crois que je le préfère. Et pourtant je ne suis pas pêcheur (mais j’aime bien le Tariquet).
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