[pɔm] (n. fém. FRUI.)
Ça y est, il est devenu fou. Vous l’avez pensé, atterré(e), en lisant le titre princeps.Comment un fruit pourrait-il être suranné ? Je sais bien que des légumes le sont, prenez les topinambours par exemple, mais un fruit… Un fruit ! Eh bien mes amis, si la pomme n’est pas en elle-même surannée, je vous l’accorde, apprenez que des gestes qui l’utilisent peuvent l’être.
Accordons-nous bien : nous ne discuterons pas ici de la pomme gâtée ou de celle devenue blette, non. Nous ne parlerons pas non plus de celles dans lesquelles l’on tombe après une trop grande émotion (voir le slip de Justin Bieber, rencontrer l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours, etc.), non rien de cela. Nous frôlerons celle que l’on croque mais ce sera en tout bien tout honneur vous allez constater.
La pomme à étudier parce qu’elle est aujourd’hui surannée est la pomme que l’on offre à la maîtresse d’école.
Fruit le plus consommé en France, fruit défendu depuis la parution de la Genèse, connue depuis le néolithique (là c’est même trrrrès suranné), la pomme a très souvent été associée au cadeau, parfois empoisonné. Dionysos l’aurait créée pour l’offrir à Aphrodite, sa maîtresse, Ève la croqua avant de la refiler à Adam et on connaît la suite, la méchante sorcière l’empoisonna avant de la donner à Blanche-Neige, bref la pomme est un présent parfois très encombrant pour un si simple fruit.
Et pourtant elle entra sans ambages dans l’école de la République. Mais dans la main innocente du premier de la classe (ou du cancre – mais dans ce cas la main est nettement moins innocente) qui en fait rougissant un présent, la pomme ne reconquiert-elle pas instantanément toutes ses qualités, ses 52 kilocalories pour 100 grammes, soit 85 kilocalories pour une pomme de taille moyenne, son fructose et ses glucides assimilables lentement par l’organisme et surtout sa vitamine C ?
Malheureusement ce beau geste ingénu et candide de partage malus domestica est tombé en désuétude.
L’institutrice n’est plus la seule du village à savoir conjuguer et sa petite robe légère et virevoltante qu’elle avait achetée à Paris ne fait plus guère rêver les potaches connectés en Wifi qui s’exhibent sur Snapchat®.
À la place de la pomme, certains vont même jusqu’à lui coller de pèches dans la poire à la maîtresse. Ça reste des fruits (je vous rappelle qu’il faut en manger 5 par jour) mais l’idée n’est plus vraiment la même.
Serait-ce le poids du péché originel devenu trop lourd à porter pour la Pink Lady, la Golden Delicious, la Jonagold, la Rubinette ou la Boskoop qui les aurait ainsi éloignées du tableau noir ? Ou peut-être leurs appellations par trop originales qui les font ressembler à celles des actrices dénudées des vidéos de charme¹ ?
Allez, pour la fin de l’année offrez une pomme à la maîtresse ça lui rappellera l’époque surannée des pleins et déliés, de la colle Cléopâtre et du savon jaune Provendi.