[pòrté lé butèj] (loc. vin. PRÉC.)
S‘il est indéniable que l’art vinicole et la consommation de son œuvre sont sources de bien des expressions de la langue française, il est aussi de faux amis qu’un béotien attribuera un peu trop vite à cette capacité créative et souvent éphémère que fournit l’abus d’alcool.
Tel ce porter les bouteilles qui laisse à penser qu’il distingue une personne charriant quelques jéroboam, nabuchodonosor, magnum ou simples litrons alors qu’il n’en est rien.
Porter des bouteilles est évidemment à l’origine de porter les bouteilles qui n’a pourtant que peu à voir avec la manutention si ce n’est la prudence qu’elle impose et, conséquemment, une certaine lenteur de pas lors du déplacement.
Porter les bouteilles signifie en effet marcher lentement, comme le ferait un portefaix soucieux de ne pas briser son chargement et sa carrière en se pressant et chutant. Notons que le plus amateur des porteurs transbahutera les boutanches de la cave à la table avec la même attention soutenue impliquant d’assurer la démarche : porter les bouteilles ne relève pas uniquement du professionnalisme mais aussi du respect de la dive bouteille.
En ce pays de France où la dame-jeanne qui garde au frais le petit vin blanc qu’on boit sous les tonnelles quand les filles sont belles du côté de Nogent est sacrée, porter les bouteilles ne pouvait que s’épanouir.
Refusant le pas cadencé – ridicule – de l’oie, porter les bouteilles sera même un temps l’expression d’une certaine résistance aux bruits de bottes barbares venues piétiner nos vignes et nos campagnes. Le panier porte-bouteilles Gilac aide précieuse au port de bouteilles par paquet de six, s’avèrera d’ailleurs d’une grande efficacité dans ce combat (mais ceci est une autre Histoire).
C’est l’excitation permanente d’une époque moderne où tout doit se faire au pas de charge qui mettra le lambin sur la touche et porter les bouteilles avec lui.
Désormais surannée, la locution n’a d’autre sens que celui propre et net de porter des bouteilles. Ce qui suffit amplement puisqu’il n’est pas question de flâner (du côté de Nogent ou ailleurs).