[pur lé peti Sinwa] (loc. nom. CHOCO.)
Ils étaient forcément malheureux, là-bas, à l’autre bout de la route de la soie, dans ce lointain empire où les petits livres étaient rouges et les petites filles abandonnées à la naissance¹.Mais on ne les laisserait pas tomber, et quitte à risquer la crise de foie, on parviendrait à les sauver (du communisme). On était prêt à tout pour les petits Chinois.Animées par cet élan de solidarité, des centaines de milliers de familles de France et de Navarre conservèrent ainsi, des années durant, le papier aluminium des tablettes de chocolat : pour les petits Chinois. Et quand il s’agit d’aider en mangeant, on peut compter sur notre beau pays. Et même s’ils sont un peu plus d’un milliard, nous y arriverons !
Une tablette par personne et par jour, et en moins de temps qu’il n’en faut pour achever une Longue Marche, nous les sauverons les Han, les Qin, les Ming, les Tang. Pour les petits Chinois nous nous gaverons de chocolat.
« Nous verrons, camarades, qui du communisme ou du chocolat sauvera le genre humain ! »
Ils peuvent le brandir leur livre, les arrogants, nous aussi nous tiendrons haut et fièrement nos tablettes Suchard, nos Poulain et nous verrons, camarades, qui du communisme ou du chocolat sauvera le genre humain !
Les rectangles de métal fin s’entassèrent dans les tiroirs des cuisines. Les efforts étaient incessants pour les petits Chinois, et certains préposés à l’éducation des masses enfantines en abusèrent un peu en faisant porter à cet élan la moindre nécessité de se faire violence. Nous dûmes finir des choux de Bruxelles pour les petits Chinois, avaler des litres d’huile de foie de morue pour les petits Chinois, et même calculer le débit d’une baignoire percée se remplissant d’eau chaude et froide pour les petits Chinois. Pour les petits Chinois avait tendance à abuser, et pas uniquement de chocolat…
La filière d’acheminement du résultat de l’effort national ne semble pas très claire. C’est d’ailleurs probablement cette logistique défaillante qui permit l’installation de Mao au pouvoir. Nul doute que si elles étaient parvenues à destination, les dizaines de feuilles d’aluminium soigneusement pliées qui sont encore dans le cellier, auraient changé la face de l’histoire du pays.
Le 9 septembre 1976, le Grand Timonier libère les Français de leur serment de métal pauvre. La Chine s’éveille, et le monde peut trembler : elle produit près de la moitié de l’aluminium métallique mondial. Pour les petits Chinois aurait été une trop belle légende urbaine ?Allons plutôt livrer du riz en Ethiopie se dit-on aussitôt…