[prâdr yn vèst] (verb. 1er gr. MOD.)
N‘ayez crainte, malgré la formulation vestimentaire de l’expression du jour je ne suis pas devenu relookeuse d’émission télévisée à deux balles metteuse en scène de la misère humaine. La moquerie et le sarcasme n’ont pas leur place ici, la flagornerie éhontée non plus (« magnifaïïïïïque ma chérie »). Il ne sera donc aucunement question de la tendance tissu du moment ou du motif hype pour briller en société avec le morceau d’étoffe signé d’un grand créateur ou d’un médiocre profiteur.
Prendre une veste n’a rien à voir avec tout ça. J’expédie rapidement les soi-disant savants qui nous expliquent en capillo-tractant jusqu’à l’outrance une histoire partant du capot de la voiture, transitant par la capote comme vêtement et finissant par la veste que l’on prend. Si vous voulez des théories fumeuses et savantes du genre, les Internets en regorgent. Ici on cisèle, on travaille à la main, on laisse la matière s’exprimer, on rend hommage au produit. Oui, ici c’est le domaine de l’artisanat suranné, pas de l’industriel formaté.
Prendre une veste c’est bien évidemment faire face à un échec d’autant plus cuisant qu’il a lieu en amour. On pourrait penser au premier abord qu’il s’agit de sa propre veste que l’on avait ôtée un peu trop vite et qu’il faut enfiler à la hâte parce qu’il est grand temps de battre en retraite (de Russie) : il n’en est rien. Cette veste échoit au malheureux et il faut bien le dire il a l’air piteux : épaules dégingandées, manches mal ajustées, revers trop larges, pans mal coupés, cette veste là a tous les atours de celle du clown. Et du blanc, le plus chiant.
L’éconduit est ainsi, mal vêtu, de guingois, penaud, sonné par la foirade. Cette veste qu’il a prise le couvre plus de honte qu’elle ne le protège des éléments. Elle est désormais tout autant ridicule que celle de l’Auguste, rouge et jaune, criarde, faite de toile de jute et cousue des gros boutons dépareillés. Et sa fleur arroseuse plantée dans sa boutonnière ne fait rire personne.
Remarquez au passage la cohérence du suranné : on dira de celui qui vient de prendre une veste qu’il peut aller se rhabiller puisqu’il a essuyé un revers.
Je vous l’ai déjà dit, je ne suis pas expert dans les choses de la mode. Je me contente benoîtement des conseils avisés de mon tailleur préféré afin de me constituer le vestiaire nécessaire à la juste tenue en toutes occasions. Et le bougre à l’œil, il me vêt comme il plait à la mode. J’ai donc un dressing rempli de vestes. Sur les revers traînent des cheveux blonds.