[prizynik] (marq. dép. COMMERC.)
Le commerce de centre-ville est l’une de ces particularités bien de chez nous¹ capable de déclencher des discussions enflammées au Balto ou lors d’un débat politique.
L’enjeu d’existence ou de disparition des échoppes de proximité déchaîne des passions équivalentes à celles entourant la composition de l’équipe de France de football ou la suprématie du pain au chocolat sur la chocolatine. C’est vous dire.
Quiconque se risque à évoquer « la mort du p’tit commerce » doit le faire de son air le plus pénétré et parler du disparu comme s’il était un être aussi cher qu’un paquet de Palmito acheté chez Momo un jeudi vers minuit². C’est pourquoi l’instant est grave et le sujet de cette définition important.
Né au beau milieu des Trente glorieuses, époque surannée où l’invention de la consommation est un marqueur du bonheur, Prisunic et ses deux cents magasins en 1954 représentent la quintessence de ce vendeur d’un tas de trucs indispensables à la bonne tenue d’une maisonnée digne de ce nom pour la ménagère d’alors, conformément aux principes proclamés par la réclame.
On va chez Prisunic pour un oui pour un non et surtout parce que c’est à côté.
La caissière, Madame Germaine, y vêt une blouse seyante et interpelle à voix haute Monsieur Duchemin sur le prix des piles en paquet de quatre lorsque l’étiquette autocollante n’est pas présente sur le produit. Prisunic c’est un mélange de convivialité et de service, bref c’est du petit commerce comme on l’aime.
Aventure distributive débutée en 1931, Prisunic est un concurrent direct de Monoprix de un an son aîné. On notera la dénomination commune des deux enseignes autour de la question monétaire et de son unité (unique dans un cas, mono dans l’autre), qui finira par tellement les rapprocher que la seconde rachètera la première en 1997. La disparition de Prisunic sonnera l’hallali : la fameuse mort du petit commerce.
Le dernier Prisunic sis à Noisy-le-Sec (ouvert en 1958) ferme ses portes automatiques en 2003 et précipite son enseigne dans la mémoire des vieux cons surannés.
Le fameux logotype à la cible fleurie jaune et orange s’en va flétrir dans les archives du design d’antan et le belliqueux Monoprix en profite pour muter en monop’, s’achetant une conduite au passage. C’est le début des concept stores habiles en marketing vendant de la barquette de tomate Rose de Berne cultivée bio en ferme indépendante au prix de l’or en barre.
C’est en fini du prix unique et même du monolithique, le moderne veut becqueter de l’authentique et ça, ça vaut un bras.