[pròmné kòm le bëf ɡra] (loc. marit. CARNAV.)
Un usage désormais désuet en notre contrée de France voulait – dans ces temps de crinoline – que les parents choisissent celui¹ à qui ils donneraient leur fille en épousailles, la belle n’ayant pas voix au chapitre avant de prononcer le oui qui scellerait son destin.
Toujours taquin, le langage avait tordu une coutume carnavalesque de garçons bouchers en expression révélant sans ménagement ces manœuvres prénuptiales : promener comme le bœuf gras.
Connue depuis 1712, la Promenade du bœuf gras consistait alors à trimballer cérémonieusement un ou plusieurs bestiaux appétissants dans les rues de Paris pendant le Carnaval avant de les réduire en brochettes et autres morceaux de choix pour s’en délecter une fois la fête outrancière terminée.
Promener comme le bœuf gras n’était pas pensée pour se moquer de la demoiselle endimanchée mais plutôt de ses géniteurs dépensant ors et sueur pour la faire parader à l’opéra (cf. fig. A.), sur les boulevards ou au tir aux pigeons dans le seul et unique but de croiser un puissant qui voudrait bien en faire son quatre heures moyennant une dot raisonnable.
D’ailleurs, l’une des tactiques les plus simples consistait à mettre du monde au balcon (cf. fig. A.) afin d’exposer des pièces affriolantes de la future épouse, cette dernière devant tôt ou tard passer à la casserole² à l’instar de son infortuné pareil en déambulation. L’éternel féminin devenait alors plus facilement un sujet d’intérêt pouvant aboutir à l’autel.
Le 19 mars 1936 résonne sur le pavé parisien le pas lourd du dernier bœuf gras de carnaval, annonçant sans vraiment le savoir la chute en surannéité de promener comme le bœuf gras.
La majorité des experts s’accorde à dire en effet que c’est la parution du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, treize ans plus tard³, qui marque la fin officielle de l’expression (et concomitamment de la méthode) et le début de tant d’histoires d’amour.
Notons pour être complet que promener comme le bœuf gras supposant une entremise active des tiers détenant autorité sur la donzelle à marier, les pratiques numérisées et modernes tendant à vanter la plastique féminine à des fins conjugales ne peuvent être considérées comme similaires et constituent donc une autre histoire.