[ramasé le kròtê dé Sevo de bwa] (loc. équin. FAINÉ.)
Dans la France des années surannées, plus rurale qu’urbaine, on mesure la santé financière d’un propriétaire terrien au volume de fumier trônant devant la porte de son domaine.
L’entassement de crottin est en effet le signe le plus extérieur de richesse qui soit puisqu’il suppose de posséder les animaux nécessaires à sa fière érection (le cheval étant le plus noble de ces producteurs, la vache suivant dans la hiérachie). Plus il est haut et odorant, plus il rend compte de bas de laine bien remplis cachés sous le matelas¹.
Ce principe de fumures exposées est à l’origine de l’expression ramasser le crottin des chevaux de bois², tournée ainsi pour blâmer le paresseux dont la tâche consisterait en cette quête qu’on devine peu éreintante même si l’on n’est pas grand connaisseur de la chose équine. Il est effectivement plus que probable que les chevaux de bois ne produisent que très peu de chiure.
Ramasser le crottin des chevaux de bois ne s’applique pas uniquement au plus tire-au-flanc des garçons de ferme mais à tout oisif se contentant ostensiblement de ne pas en fiche une rame et s’en trouvant très bien comme ça. Ainsi est-il possible de ramasser le crottin des chevaux de bois en tout lieu d’exercice supposé d’une activité : usine, bureaux, administration, etc.
À titre d’exemple on dira du responsable de la photocopieuse qu’il a un net penchant au ramassage du crottin des chevaux de bois tant il s’acquitte avec délai de sa besogne de remplissage du compartiment de feuilles A4. Il n’est pas en cela descendant des cantonniers qui se chargent au début du XXᵉ siècle de ramasser le crottin des 80 000 chevaux bien vivants qui crottent dans les rues de Paris et empestent l’atmosphère. Car les bougres ne chôment pas, eux, et doivent même augmenter la cadence quand les étés caniculaires du nouveau siècle transforment le lisier en danger olfactif pour la santé publique.
Lorsque l’automobile chasse l’hippomobile du centre-ville, l’excrément disparu vide de sa substance ramasser le crottin des chevaux de bois.
Sans cheval déféquant pour prêter le flanc à la comparaison, nulle compréhension de l’image saugrenue de cet étron posé par l’un de ses ersatz de bois. Ramasser le crottin des chevaux de bois devient donc surannée lorsque le cheval, lui, se met à la vapeur.
Ce ne sont pas les jean-foutre modernes et leur art consommé du brassage d’air en réunion qui s’en plaindront.