[remèrsjé sô bulâZé] (loc. verb. BOULANG.)
Non que cette docte encyclopédie veuille un instant vous inciter à une impolitesse¹, la Maison est courtoise dans la mesure du possible, mais la lecture de cette définition pourrait vous faire changer les dialogues bénins et quotidiens échangés avec celui qui vous pétrit les miches ou la baguette.
Remercier son boulanger est en effet du plus mauvais qui soit puisqu’il s’agit tout simplement de passer de vie à trépas. Qui l’eut crû ? Qu’un simple « une baguette pas trop cuite s’il-vous-plaît, merci, bonne journée » soit synonyme de manger les pissenlits par la racine semble improbable, inconcevable ! Et pourtant… Remercier son boulanger c’est bel et bien mourir.
Faut-il alors, pour éviter d’avoir affaire à la faucheuse, commander un pain au levain sur un ton impérieux, prendre son pain de campagne sans un sourire au gindre, exiger un pain brioché et partir en hurlant au bonhomme qu’il aille se faire enfariner ? Ou plus abruptement abandonner la pâte savamment travaillée pour échapper au pire ?
Remercier son boulanger est sans explication; satisfaisante s’entend.
N’écoutons pas les phraseurs gloser sur le Panem et circenses de Juvénal, ou invoquer le pain azyme ou une miraculeuse multiplication des pains pour refourguer une théorie prétentieuse sur l’expression. Nul ne sait vraiment pourquoi remercier son boulanger charrie ce funeste fardeau.
Pourquoi ne pas plutôt remercier son boucher ou bien son charcutier qui auront avec jambons et saucissons largement contribué à ce cœur qui s’essouffle ? Pourquoi ne pas remercier son percepteur puisqu’il est reconnu que le stress peut tuer ? Et pourquoi après tout ne pas présenter ses hommages (reconnaissants) à la femme du boulanger ?
Tout mystère du langage qu’il est, remercier son boulanger d’un usage familier virera suranné, non pas du fait de la diminution incessante de la consommation de pain², mais plutôt pour cause de disparition des conventions de bienséance inutiles dans le monde moderne parce qu’elles font perdre du temps (et le moderne est pressé). Bonjour, merci, comment ça va la p’tite santé, et pourquoi pas la bonne journée tant qu’on y est ?
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