[râtré avèk la kan su le bra] (loc. verb. SÉDUC.)
De prestige ou d’orthèse, la canne est un accessoire caractéristique remontant aux plus surannées des années puisque Toutânkhamon lui-même en fut grand utilisateur, la collection retrouvée à ses côtés en témoigne.
Symbole du pouvoir ou, à l’inverse, de la plus faible condition, virile quand elle cache une épée, comique quand elle tournoie au bras de Charlot, elle est aussi la clef de voûte subtile de l’expression rentrer avec la canne sous le bras.
Il est en effet compliqué d’exprimer sans basculer dans le graveleux, la retraite de Russie du séducteur du samedi soir, le fiasco du dragueur de supermarché, la déculottée du fripon défait. Rentrer avec la canne sous le bras vient ainsi résumer bien des déconvenues tout en laissant travailler l’imagination de chacun. Que cache donc cette canne ? Est-elle à sa place sous le bras plutôt que derrière l’oreille ? Quid du gourdin en lequel elle semblait un instant s’être transformée ? Etc.
Rentrer avec la canne sous le bras est préalable à dormir sur la béquille, et l’on notera la sensible réduction sceptrale (passer de canne à béquille implique de perdre de nombreux centimètres), preuve s’il en fallait que l’ego bafoué se dégonfle et rapetisse avec le temps qui passe.
Notons que rentrer avec la canne sous le bras est une expression exclusivement réservée à l’usage masculin alors que la canne est d’usage mixte. Une incongruité qui dévoile s’il le fallait encore le caractère phallique de son sens. Ce n’est pourtant pas lui qui la poussera à disparaître comme l’on pourrait le croire.
L’époque moderne s’avérant moins recherchée dans la mise que ses précédentes et conséquemment la canne lui seyant peu, le sous-entendu érectile n’avait rien à y faire comprendre. Rentrer avec la canne sous le bras devenait simplement s’en aller avec son bâton de marche calé sous l’aisselle, soit une simple paraphrase à l’efficacité basique.
Un si modique intérêt que la langue décida de classer rentrer avec la canne sous le bras au rayon des expressions désuètes sans que nul ne s’offusque.