Rififi [rififi]

rififi

Fig. A. Tony le Stéphanois. Archives PJ.

[rififi] (néol. LE BRET.)

C‘est à un grand homme de la langue des faubourgs que nous devons l’enchaînement des trois syllabes sur lesquelles nous allons nous pencher.

Auguste Montfort, né en Finistère, surnommé pour cela Auguste Le Breton par des voyous à l’ancienne à la créativité restreinte mais à l’argot parfait, n’est pas moins que l’initiateur littéraire du parler de tripot.

D’une jeunesse compliquée qui aurait pu partir en cacahuètes, le génial fit une œuvre prolifique qui nous donna entre autres, Le Clan des Siciliens (Plon, 1967), Razzia sur la chnouf (Gallimard, 1954), Du Rebecca chez les aristos (Éditions du Rocher, 1991), excusez du peu mademoiselle.

Mais la quintessence de sa plume tient en une voyelle et deux consonnes : rififi. D’aucuns ont voulu définir rififi comme bagarre; ils ne sont pas loin mais tout de même incomplets. D’autres ont essayé en allant chercher son origine dans rif, comme une zone de combat, qui pourrait lui-même être un condensé de front datant de la Grande Guerre. Peut-être…

Mais tous se sont cassés les dents dans la baston car aucun n’a osé y lire une page de poésie.

Oui mes amis, il y a du fleur bleue dans ce fi qui se double en fifi pour faire du rififi. En ces temps dont on jacte, s’il est d’une malhonnêteté crasse et mérite en cela son châtiment, le voyou, le truand, prête attention à sa dégaine et à sa langue : il est soigné dans sa tenue et poète à ses heures. Alors quand il fait valoir ses arguments à coups de poings ou à la sulfateuse il fait du rififi.

Le grand Auguste le Breton créa pour ces rhapsodes du fric-frac un rififi qui lui appartient encore de nos jours puisqu’il le déposa. Et il en fit sa marque de fabrique avec Du rififi chez les femmes (Presses de la Cité, 1957), Du rififi à New York (Presses de la Cité, 1962), Du rififi au Proche-Orient (Presses de la Cité, 1953), Du rififi à Hambourg (Presses de la Cité, 1963), Du rififi au Mexique (Presses de la Cité, 1963), Du rififi à Barcelone (Presses de la Cité, 1964), Du rififi à Paname (Plon, 1964) et d’autres encore.

Comme souvent la postérité du rififi fut cinématographique grâce aux exploits cinémascopes de Tony le Stéphanois, Jo le Suédois, Mario et César, dans Du rififi chez les hommes (Prix du meilleur réalisateur au festival de Cannes 1955), puis Du rififi à Paname avec Jean Gabin dix ans plus tard, titres jamais égalés depuis par quelque film que ce soit.

Juin 1977 et le procès du gang des Lyonnais marquent la fin de rififi. Le malfrat d’aujourd’hui va chercher dans les mots éructés d’un gangsta’ rap fangeux ce qui lui faut d’allégorie pour justifier ses méfaits, il ne cause plus l’argot. Du rififi il n’a gardé que la violence, pas la jactance. Fini le rififi.

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