[ripòliné la fasad] (loc. verb. PEINT.)
En 1888 Carl Julius Ferdinand Riep, chimiste hollandais de son état, invente une peinture à l’huile de lin qui sèche rapidement. Son idée est bien évidemment de rendre la peinture à l’huile moins difficile, et d’obtenir un résultat bien plus beau que la peinture à l’eau¹.
Carl Julius, un peu fanfaron, décide de nommer son mélange Riepolin avant de le vendre à une entreprise française qui va lui donner son orthographe finale (Ripolin, sans « e ») et ses lettres de noblesses qui finiront en l’expression ripoliner la façade.
À partir de 1913, ripoliner la façade va prendre un premier sens logique d’appliquer une peinture-émail sur un bâtiment, bien aidé dans son développement par Riri, Polo et Lino, les trois peintres en canotier et blouse peignant à la queue-leu-leu créés par Eugène Charles Paul Vavasseur. Ce sont ces trois frères Ripolin qui vont faire décoller la carrière de ripoliner la façade en s’affichant un peu partout et en se peignant sur les pignons du moindre bâtiment offrant un bonne visibilité au chaland.
Du fin fond de la campagne au cœur de la ville tout un chacun comprenant désormais ce que signifie ripoliner la façade, le sens figuré de maquiller efficacement et à peu de frais va pouvoir s’épanouir. Et l’on va ripoliner la façade en veux-tu en voilà puisqu’on a toujours un écart de conduite à cacher, une menue exaction à faire oublier, un petit abus à mettre sous le tapis, un léger égarement dont l’opinion pourrait s’offusquer à rendre insignifiant.
Hardi petit, avec ripoliner la façade Riri, Polo et Lino sont sur leur échafaud pour s’occuper de rendre acceptable du pas toujours joli-joli.
Notons qu’un temps, ripoliner la façade s’attachera à décrire la remise en harmonie par l’application de divers cosmétiques sur un visage fatigué qu’on dira alors maquillé comme un camion volé. Les techniques du bâtiment évoluant, ravaler la façade prendra le pas sur ripoliner sans pour autant le rendre suranné.
C’est qu’on en a encore des choses à farder pour fourguer un ancien collabo en préfet de police, un poison en médicament ou un cerbère des basses œuvres en premier communiant. Et il en faut du Ripolin pour cacher cette misère.
C’est la technologie moderne qui rendra ripoliner la façade désuet.
En 1988, un siècle jour pour jour après la mise au point de la peinture de Riep, Thomas Knoll invente Photoshop 1.0, logiciel révolutionnaire permettant de ripoliner la façade photographiée sans se tâcher les mains. L’art de l’enfouissement du peu ragoûtant sera désormais réalisé à la souris, pas au pinceau. C’est moins salissant et ça demeure plus rigolo que la peinture à l’eau.
Riri, Polo et Lino sont remerciés et priés d’aller se faire oublier avec tout leur matériel à ripolinage suranné².