[la u le rwa va sël] (exp. roy. SCAT.)
Même pour un natif du millénaire passé élevé au suranné et rompu à l’argot de derrière les fagots, des expressions peuvent laisser pantois. C’est rare, mais ça arrive.
Peut-être celle étudiée ici charrie-t-elle trop de remugles nauséabonds qui font son incompréhension, ou bien un décalage, une insolence, un degré trop élevé qui m’auront échappés. L’exploration va être complexe je le sens.
Là où le roi va seul est donc cette périphrase étrange qui se prend les pieds dans un tapis de la manufacture royale des Gobelins puisqu’elle dit le contraire de ce que sa syntaxe prétend, entraînant dans sa chute pataude l’effet comique qu’elle voulait imposer. En effet, là où le roi va seul partait, la prétentieuse, avec une ambition rieuse, s’appuyant au passage sur une frémissante menterie historique.
Protocolairement, là ou le roi va seul c’est bien sûr sur le trône, siège capitonné sur lequel il est bien évident que seul Louis XIV peut installer son royal séant. Or l’expression semble s’adresser à chacun puisque c’est ce que me répondent tour à tour les adultes comme je m’enquiers de leur départ soudain. À moins qu’il ne s’agisse non pas du siège capitonné mais d’une chaise percée, puisque le trône c’est aussi la cuvette en faïence qui recueille l’étron !
Ce là où le roi va seul est donc un lieu d’aisance. Effet comique. Qui ne me fait pas rire, tant la méconnaissance crasse de celui qui se réclame ainsi de l’étiquette à la cour de France, semble grande.
Résumons : huit heures, « Sire voilà l’heure » susurre le premier valet aux souveraines oreilles. On peut imaginer que son altesse s’étire.
Aussitôt déboulent les chirurgiens et le premier gentilhomme de la chambre du roi. Henry de Daillon, marquis d’Illiers, duc du Lude, Léon Potier, duc de Gesvres, font partie de ces privilégiés qui vêtent le Roi-Soleil. Ils sont rapidement rejoints par les Officiers de la Couronne, le Grand Chambellan, le Grand-Maître de la garde-robe, le Premier valet de garde-robe et deux ou trois seigneurs, ce qui nous fait une vingtaine de personne autour du monarque dix minutes à peine après son réveil. C’est le petit lever.
Mais voici qu’il est déjà l’heure du grand lever. Alors entrez, médecins et chirurgiens communs, intendant, barbier et gentilshommes en tous genres, entrez car le roi va trôner. Sur sa chaise percée. Oui, comme ça, devant cette trentaine de nobliaux en cour, le roi va déféquer.
Alors, comment pouvez-vous ce faisant prétendre que le roi y va seul ?
C’est donc là votre idée de la solitude ? Et quid de celle de la pudeur ? Mais quelle mouche vous pique donc quand vous vous fendez d’un là où le roi va seul pour décrire les toilettes, alors qu’il vous suffisait d’écouter le cours d’histoire le plus marrant du CM2 pour savoir que la royale commission se faisait en public ? Je sais de quoi je parle, je suis en CM2.
Je n’ai aucun regret que là où le roi va seul soit désormais tout autant surannée que le protocole du lever. Merci à la modernité de l’avoir évincée et d’avoir ajouté un verrou aux toilettes. C’était une expression à chier.