[rotir le balè] (loc. verb. MŒUR.)
Même dans la langue surannée il existe des sens propres et des sens figurés. Pour discerner l’un de l’autre, il est alors primordial d’avoir à portée de la main un Dictionnaire raisonné des mots surannés et expressions désuètes ou tout autre ouvrage du même genre exposant avec pédagogie et sérieux le pourquoi du comment.
Par chance vous lisez en ce moment même les lignes d’un in-quarto capable de vous donner les deux sens de rôtir le balai.
Rôtir le balai est tout d’abord l’expression de la plus grande pauvreté. Qui sinon le dernier des miséreux brûlera le manche et la paille de son balai pour se chauffer ? Qui si ce n’est un affamé se donnera l’illusion d’un porcelet à la broche en faisant rôtir le balai qui est le sien ? C’est là le sens premier; triste à utiliser.
Mais rôtir le balai signifie aussi (et surtout) qu’on ne l’a pas dans le fondement.
Le balai.
Et que conséquemment l’on est dans des dispositions d’accueil de toute proposition à même de le remplacer.
Le balai.
Car avoir un balai dans le postérieur rigidifie l’attitude, alors que l’enlever rend soudainement beaucoup plus détendu.
En résumé, selon une lecture assez binaire de la question, convenons-en, qui n’a pas le balai enfiché dans le séant mène une vie aux mœurs quelque peu dissolues. L’on comprend dès lors l’idée qui consiste à rôtir le balai, c’est-à-dire à le détruire par le feu pour laisser la place à la gaudriole. C’est dans ce sens figuré de mener une vie de patachon que rôtir le balai fera sa carrière linguistique.
Il est plus que probable que rôtir le balai ait vu son destin basculer d’un sens vers l’autre au XVIᵉ siècle, grande période de chasse aux sorcières à qui la morale des gens bien comme il faut (celle du balai enfiché où vous savez désormais) attribuait un comportement orgiaque, notamment les soirs de sabbat, à des femmes se réunissant pour quelques libations. Il faut dire que les mégères au balai trimballent depuis la parution du Malleus Maleficarum (XVᵉ) une réputation pas piquée des hannetons côté bagatelle qui peu largement justifier ce rôtir le balai libidineux (d’un point de vue linguistique s’entend).
C’est donc grâce aux sorcières que rôtir le balai serait devenu synonyme de faire-la-bamboche-et-terminer-en-slip-dans-la-fontaine-avec-une-bouteille-de-champagne-à-la-main-pour-fêter-un-truc-puis-se-réveiller-le-lendemain-sans-se-souvenir-de-rien (mais ceci est une autre histoire²).
Les sachants nous signalent comme dernier cas connu de sorcière envoyée ad patres, celui d’une femme en 1856 du côté de Vic-en-Bigorre¹. Parallèlement, rôtir le balai disparaît du langage
Coïncidence ?