[rulé sô tòno] (loc. trav. PHILO.)
Diogène de Sinope, dit Διογένης ὁ Σινωπεύς, philosophe j’me-foutiste de son état, laissa quelques belles saillies verbales à la postérité dont la fameuse demandant à Alexandre le Grand de s’ôter de son soleil qui lui vaut aujourd’hui encore quelques usages, même si l’insolent moderne préfère intimer d’aller niq*** sa mère (mais ceci est une autre histoire).
Mieux encore, il entreprit de créer rouler son tonneau à partir de ce qui lui servait d’habitation (même si certains ergotent encore sur la forme exacte de la baraque et prétendent qu’il s’agissait d’une jarre), expression qui quant à elle est désormais désuète.
Se donner une contenance pour ne pas passer pour un glandeur
Rouler son tonneau signifie en effet effectuer un travail sans aucun sens, soit ce qui fit le plus célèbre bavardeur de l’école cynique au beau milieu de l’agitation guerrière de Corinthe histoire de se donner une contenance et de ne pas passer pour un glandeur, chose hautement improbable en open space contemporain.
Tandis que Corinthiens, Athéniens, Thébains et Argiens se préparent à se coltiner les Spartiates dans l’un de ces conflits complexes de la Grèce antique, Diogène s’affaire lui aussi (mais se gausse en son for intérieur) en faisant rouler son tonneau.
Si l’Antarctique avait été exploré et la tondeuse à gazon inventée on eût dit que le philosophe tondait la banquise, mais il faudra attendre la première tondeuse d’Edwin Beard Budding en 1830 et le 6e Congrès international de géographie de 1895 pour planifier une expédition en Terra Australis Incognita et voir émerger cette seconde expression.
Rouler son tonneau est donc bien la première à faire part d’une activité sans queue ni tête simulée pour faire comme tout le monde, preuve que déjà quatre siècles avant JC, il est de mauvais goût de ne pas partager l’enthousiasme de la valeur travail, les réunions soporifiques et les PowerPoint® animés d’effets sonores époustouflants¹.
Pierre angulaire de Politeia, ouvrage de Diogène qui prône aussi l’égalité hommes-femmes, la suppression de la monnaie et la liberté sexuelle, rouler son tonneau sera bien vite écartée du langage et cantonnée en surannéité avec ces idées capables de faire basculer l’organisation de la société et du travail dans le n’importe quoi.
Uniquement admise pour le tonnelier remisant l’une de ses belles barriques dans laquelle vieillira le bon vin, rouler son tonneau perdra ce sens séditieux et désinvolte.
Diogène le cynique se contentera d’une petite insolence solaire en guise de souvenir et le travail pourra ainsi continuer à rendre libre.