[salmiɡɔ̃di] (n. m. ANC. FRAN. CUIS.)
La seule véritable raison pour laquelle salmigondis pourrait être tancé de ne pas être suranné serait que vous en ayez mangé dans les 30 années écoulées. Quelqu’un…? Non ? C’est bon, on peut continuer.Salmigondis est donc à la cuisine un joyeux mélange de tout et n’importe quoi dont l’appétence en bouche demeure de fait aléatoire; oui, de fait : quand on mixe des trucs improbables avec des bidules indéfinissables, même en respectant les plus strictes règles de l’hygiène culinaire ça donne n’importe quoi (des fois j’ai quand même l’impression qu’il faut tout vous expliquer).
Il est à noter que le salmigondis trouva une heure de gloire inespérée en la recette divulguée en septembre 1975 sur le troisième chaîne de l’ORTF par un personnage imaginaire sous l’appellation de gloubi-boulga¹. A ce jour aucune étude sérieuse ne recense les dégâts créés par l’invention du salmigondis (et de son ersatz gloubi-boulguesque) sur les habitudes alimentaires des Français et on est en droit de s’interroger sur l’immobilisme du Ministre de l’art culinaire, « les Français veulent savoir »² !
Salmigondis n’a cependant pas cantonné sa carrière sémantique au pré carré de la créativité exacerbée des apprentis télévisionnés en beurrage de moule et en je-vais-partir-sur-un-petit-croquant-revisité-en-ajoutant-du-paprika. Le coquin s’est invité dans le discours public, irriguant les exposés démonstratifs et magistraux des plus grands penseurs³, troublant la pensée de nos représentants nationaux pourtant brillamment élus dans des cadres démocratiques que la planète entière nous envie, torturant l’analyse à chaud (et à froid) des Dieux du Stade (qu’il soit de France, Vélodrome, Jean Bouin, etc.), martyrisant la chanson française et ses auteurs majeurs.
« Je veux pas de mort dans la conscience comme Marlboro et ses cancers », Rohff – Trafiquant 2 classic
Salmigondis aurait-il mérité cette place en suranné du simple fait qu’il nous fait part de l’approximation de l’acte et de la pensée ? Alors un mot peut être déterminé et quelques syllabes joueuses et chatoyantes, une finale à la prononciation variable (on le prononce ou pas ce « s » ?) peuvent avoir raison de son sens ? Je ne saurais m’y résoudre et c’est pourquoi, en ma qualité de Président du Haut Conseil du Suranné, j’accueille ici avec tous les égards qui lui sont dus ce si beau salmigondis.