[se bëré la tartin] (gr. verb. ALCOO.)
Attention : l’élément panifié de l’expression étudiée ci-dessous est présent dans tant d’acceptions quasiment toutes surannées qu’il va nous falloir redoubler de précision. N’attaquez cette définition que si vous avez pris un copieux petit déjeuner, c’est un conseil d’ami.
Posons pour commencer une subtile différence : se beurrer la tartine n’a rien à voir avec se beurrer la biscotte. Même si la biscotte est bien une tranche de pain cuite deux fois (biscotto en italien), on ne la beurre pas de la même façon qu’une tartine. Pour beurrer une biscotte sans la casser, il suffit de la poser sur une autre biscotte, alors que pour se beurrer la tartine il faut quelques billets pour Charenton ou une bouteille de Perniflard.
Certes vous pouvez décider de vous en tartiner de cette subtilité mais ne venez pas vous plaindre si on vous sert une anisette au zinc quand vous ne rêviez que d’une demi baguette bien chaude ointe de beurre d’Isigny à tremper dans un café¹. Se beurrer la tartine c’est bel et bien picoler quand se beurrer la biscotte est tout simplement se laisser aller. Cela dit quand on se beurre la tartine c’est souvent signe qu’on se beurre la biscotte…
Pour se beurrer la tartine avec une certaine volupté, par exemple dans le cadre d’une tournée des grands-ducs, il convient de le faire sans se tartiner un pisse-froid de service, sa présence inconvenante pouvant pousser jusqu’à vouloir lui coller une tartine. Mais la violence ne résout rien ! Signalons, responsables, qu’il conviendra qu’un des convives ne se beurre pas la tartine afin précisément de ne pas aller à tartine pour rentrer : la marche à pieds c’est fatigant quand on a bu².
On vous avait prévenu, ami lecteur, cette définition en fait des tartines mais le sujet est d’une telle complexité qu’il nous contraint à l’exhaustivité et à la plus grande rigueur, la maison est sérieuse.
Citons pour éviter toute ragoutante méprise, l’insidieux graisser ses tartines qui n’est, lui non plus, aucunement synonyme de se beurrer la tartine mais ornemente insolemment l’acte sensé porter chance lorsqu’il se fait du pied gauche dans l’étron de Médor…
Le moderne précis qui n’appréciait guère de tomber de Charybde en Scylla avec ces tartines³ en tous genres a tout simplement remisé l’expression au placard. Il se sustente désormais de céréales spéciales minceur au petit déjeuner, c’est bon pour sa ligne, et ne saurait se beurrer la tartine, c’est mauvais pour sa ligne.
En revanche il boit parfois pour oublier les mots d’antan et divers autres trucs; c’est moche.