[se manjé le baba] (loc. verb. VIT.)
Ne croyez pas que le temps suranné n’ait jamais été celui de l’urgence. Il lui arrivait, lui aussi, de devoir se presser, s’activer, d’accélérer la cadence pour arriver au but un peu plus vite que prévu.
Quand la quiétude devait être troublée pour une raison impérieuse, le langage se dotait d’ordres qui n’en demeuraient pas moins imagés, ce n’est pas parce qu’on est pressé qu’on en est moins suranné tout de même !
S’il s’agissait de faire fissa, injonction était donnée de se manier le baba, introduisant une référence au maniement de l’arrière-train jugé trop laborieux. Avant de développer sur la baba, notez que se manier, manœuvrer en forme transitive, s’orthographie aussi magner sans que son maniement ne s’en trouve modifié, ni en célérité, ni en atermoiement.
Se manier le baba nous intime de prêter attention à la partie charnue de notre être, sous-entendant qu’elle est la cause directe du retard qui se prend. Car baba c’est le bas; du dos. Un baba que l’on retrouve dans l’avoir dans le baba, une autre histoire de fesses qui nous éloignerait du propos présent auquel il nous faut revenir : pourquoi se manier le baba ? Ne peut-on mieux s’activer en hâtant le pas par exemple ? Ne sont-ce pas les jambes qui nous meuvent avant le popotin ? Ou au moins la volonté, qui a priori ne siège pas en séant.
L’affectation de toute cause de lenteur à une éventuelle proéminence fessière serait selon toute vraisemblance la source de se manier le baba. La Vénus callipyge (Ἀφροδίτη Καλλίπυγος), ou sa complice Aphrodite honorée à Syracuse comme nous le rapporte Clément d’Alexandrie, sont peut-être les inspiratrices de se manier le baba, bien qu’aucun helléniste ne se risque à authentifier la thèse, l’expression ne trouvant nulle résonance étymologique en langue grecque.
Très usitée dans les années surannées sans pour autant s’avérer pygophile, se manier le baba se verra recalée suite à l’immense confusion introduite par le terme baba-cool.
Toutes fesses à l’air dans la moiteur de Woodstock, les hippies alanguis stigmatisèrent baba comme synonyme d’engourdi (que l’on retrouve dans avoir l’air baba – notamment après ingurgitation de psychotrope hallucinogène de synthèse type LSD) et c’est donc baba-cool qui pris le pas sur se manier le baba.
Quoi qu’il en soit se manier le baba n’aurait pas pu survivre à une époque moderne qui n’a pas le temps d’attendre celui qui ralentit le pas. En marche ou crève, elle ne le redira pas deux fois. Allez, on bouge ses fesses !