[sə maʁje a la mɛʁi dy tʁɛzjɛm] (exp. marit. AMOU.)
Avant 1860 (époque surannée), Paris ne comptait que 12 arrondissements.
Avant 1860 (époque surannée, bis) vivre en dehors des liens sacrés du mariage c’était mal. Mais vraiment mal. Très mal.
Les impudents qui n’étaient pas passés par l’autel et devant Monsieur le Maire devaient donc subir l’opprobre général des gens biens comme il faut, ceux qui n’aiment pas qu’on suive une autre route qu’eux¹. De ces vilains ont disait alors en baissant le regard et le ton qu’ils s’étaient mariés à la mairie du XIIIᵉ. Une façon toute en subtilité et en fiel de mettre en lumière leur état et ce qu’il aurait dû être, la langue de vipère a toujours su y faire.
Quand le Baron Haussmann décida de créer huit nouveaux arrondissements, il continua à compter de 13 jusqu’à 20 avec une sorte de logique imparable et inflexible, on ne saurait lui reprocher.
Passons sur l’histoire de Passy et d’Auteuil qui refusèrent ce XIIIᵉ qui devait leur être affublé et de la création du découpage en escargot qui perdure de nos jours, voici donc qu’avec une réforme de la forme urbaine une expression emplie d’acrimonie passait au suranné. Avec la signature de Napoléon III qui créait le Paname d’aujourd’hui et toute son administration on pouvait désormais se marier à la mairie du XIIIᵉ !
On ne connait pas d’autres cas qui firent tomber en désuétude si promptement une expression. Ne cherchez pas, il n’y en a pas. Du jour au lendemain, se marier à la mairie du XIIIᵉ devenait une possibilité sans aucune ambiguïté. Imaginez la tête des premiers rigolos qui tentèrent l’aventure peut-être comme un pied de nez. Il devint certainement comique d’annoncer qu’on allait se marier à la mairie du XIIIᵉ. Et puis le temps passa et ils furent des centaines à convoler devant l’édile de l’arrondissement. Et puis on oublia.
Des termes plus arides apparurent car certains s’entêtaient à pécher : le « concubinage » guère seyant avec ses deux premières syllabes (ou alors sans ambiguité…), « l’union libre » comme si la liberté avait quelque chose à voir dans la partie, « vivre à la colle » qui semble un peu poisseux, et le très acronymesque PACS ouvert à tous les genres. Force est de constater que tout ça manque un peu de raffinement dans l’expression, mais que voulez-vous, notre siècle est efficace avant tout.
Se marier à la mairie du XIIIᵉ avait comme avantage qu’on n’avait pas à s’y rendre à nouveau pour divorcer.
Et toutes celles et tous ceux qui constataient au bout d’un certains temps qu’ils s’étaient fourvoyés pouvaient bien facilement rompre des liens devenus lâches. Rien n’obligeait des âmes pas sœurs pour deux sous à partager leur vie. Ce n’était ni plus beau ni plus vil qu’un mariage en grande pompe à la mairie du XVIᵉ ou d’ailleurs mais se marier à la mairie du XIIIᵉ ça avait de la gueule².
À condition de le faire avec la bonne personne, évidemment.
2 comments for “Se marier à la mairie du XIIIᵉ [sə maʁje a la mɛʁi dy 13ᵉ]”