[se pété lé bretèl] (expr. auto-satis. QUÉB.)
Si c’est originaire de la Belle Province c’est nécessairement suranné puisqu’en cette terre résonne la langue française du XVIIᵉ (avec quelques inflexions et évolutions évidemment, mais ceci est une autre histoire).
Voici donc venue depuis l’autre côté de cet Atlantique où l’on mâchouille l’angliche plus souvent qu’on ne jacte l’argomuche de Pantruche, une expression destinée à remettre à sa place le vantard claironnant un peu trop sa réussite en tout et en n’importe quoi : se péter les bretelles.
Se péter les bretelles c’est un geste, se péter les bretelles c’est un son; de la satisfaction.
Le suffisant a en effet tôt fait de porter ses deux pouces entre sa chemise et les élastiques qui suspendent son pantalon, d’étendre les bras selon une distance correspondant à l’échelle de sa jubilation et de laisser soudainement claquer les deux sangles sur son poitrail gonflé. Au clac se mesure l’exultation.
C’est un geste que l’on pourrait dire naturel si la nature avait daigné fournir les accessoires nécessaires à Adam, ce qu’elle ne fit point dans sa grande sagesse¹.
Se péter les bretelles date en réalité de la Révolution française, période qui mit à l’honneur cette nouvelle façon d’attacher son falzar qui se porte alors taille haute.
Louis Antoine Léon de Saint-Just, toujours très fier de ses principes, aimait particulièrement se péter les bretelles et il est fort probable que son intransigeance légendaire contribua largement à répandre la locution parmi le petit peuple. Il se murmure dans certains cercles que Robespierre qui n’était pas peu fier de son surnom d’incorruptible et portait tête haute lui aussi² en aurait pris ombrage, mais les textes ne mentionnent pas d’incident ayant opposé les deux hommes sur la question.
L’expression fera son petit bonhomme de chemin et on notera une nette recrudescence de se péter les bretelles à la fin des années 80 grâce à l’auto-contentement des agents de change boursicoteurs de Wall Street et d’ailleurs ayant fait « péter les objectifs en tradant du câble, du billet vert, du kiwi ou de l’aussie sur le Forex », ces derniers arborant la paire de tissu extensible par effet de mimétisme cinématographique³ qu’il ne nous appartient pas de commenter en ces lignes.
Non moins content de lui mais comprenant d’instinct qu’il vaut parfois mieux la mettre en veilleuse sous peine de finir raccourci comme Maximilien et ses copains, le moderne remisera dans ses placards les bretelles et la manière de se les péter par la même occasion.
Se péter les bretelles n’est plus du registre actuel dans lequel on veille à s’auto-congratuler à l’abri des regards. C’est plus sûr.