[se piké la ryS] (loc. verb. ALCOO.)
L‘abeille nous est des plus précieuses en ce bas monde et si ça continue comme ça, monsieur Monsanto, il se pourrait que les générations futures rencontrent quelques problèmes pour expliquer comment ont fait les bébés en se servant de l’allégorie pollinisatrice de la reproduction sexuée des plantes à fleurs par Maya et Willy¹, car l’abeille disparaît.
On pourrait dès lors penser que se piquer la ruche a un lien quelconque avec l’ambition d’un parasite de service guettant la fin du règne de la reine. Il n’en est rien. La ruche dont il est question est argotique et s’il fallait lui donner une tirade, ce serait adaptant Cyrano : mais elle doit tremper dans votre tasse. Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! Ou encore : moi, monsieur, si j’avais une telle ruche, il faudrait sur le champ que je me l’amputasse !
Se piquer la ruche provient donc de l’inévitable mouvement du nez tombant vers l’avant… suite à l’abus, toujours dangereux pour la santé, de boisson fermentée. Car quoi d’autre que l’ivresse pour faire se relâcher le port altier et l’attitude guindée ? Se piquer la ruche c’est bien se biturer.
L’esthète notera le verbe pronominal, aveu grammatical de l’exercice d’une volonté menant tout droit vers l’ébriété, nul ne pouvant se piquer la ruche par hasard. On ne se piquera donc pas la ruche comme la Belle au bois dormant se piquant le doigt au fuseau d’un rouet, même si dans les deux cas le résultat sera un très profond sommeil dont on se réveillera endolori.
S’il reste quelques ruches sur les toits de l’opéra Garnier ou au Luco grâce au rucher-école de la société centrale d’apiculture, se piquer la ruche n’a pas pour autant réussi à survivre. Le buveur outrancier parle désormais de se bourrer la gueule, toujours pronominal mais nettement moins champêtre. Sans les abeilles la griserie est triste et efficace, moderne en quelque sorte.