[se ramòné le kòrNòlô] (loc. lyon. ALCOO.)
Apparu peu après l’invention de la cheminée, elle-même consécutive à la découverte du feu (ce qui ne nous rajeunit pas), le petit ramoneur est devenu un personnage incontournable de nos villes dès le XVIIIᵉ siècle.
Cette « hirondelle d’hiver » traditionnellement venue de Savoie lors de sa prime jeunesse pour déboucher les grandes cheminées encrassées¹, va croiser sur les pentes de la Croix Rousse l’appellation lyonnaise du gosier et convoler avec elle pour donner se ramoner le corgnolon qui signifie se rincer le goulot jusqu’à plus soif.
Une activité a priori bien légitime pour qui avale de la suie à longueur de journée si ce n’est que se ramoner le corgnolon se fait évidemment au jaja, pas à l’eau claire. Et comme un petit ramoneur se grimpe une trentaine de cheminées dans sa journée de labeur, ça peut lui faire une trentaine de fillettes² à descendre. Largement de quoi faire les quatre coins de la rue voire déchausser Bertrand.
Il faudra attendre quelques temps pour que l’expression passe du ramoneur au quidam, mais se ramoner le corgnolon deviendra langage courant, bien aidée par le noble dévouement des liquidateurs des surplus de la production viticole nationale.
Un bienfait car depuis la loi sur le travail des enfants du 19 mai 1874 limitant l’emploi avant douze ans, les farias³ avaient tendance à disparaître au profit de la brosses à manche télescopique, efficace pour ramoner l’âtre mais inutile pour ramoner le corgnolon.
C’est le bien triste arrêté inter-préfectoral n°2013 084 0002 du 25 mars 2013 relatif à la mise en œuvre du Plan de Protection de l’Atmosphère révisé pour l’Île-de-France qui va envoyer ramoner le corgnolon en surannéité en interdisant l’utilisation des cheminées et, conséquemment, en mettant au chômage les derniers ramoneurs.
Poussé hors d’une modernité qui se chauffe à l’électricité, le verbe ramoner quitte le quotidien et corgnolon qui le complétait depuis plus de deux siècles l’accompagne.
Le petit ramoneur termine quant à lui sa vie sur le calendrier des PTT, aux côtés de chatons joyeux s’ébattant dans un panier d’osier. Il semble heureux.