[sâdòrmir syr le friko] (loc. bourg. AVANT.)
Le largonji des louchébems provenant de chez les bouchers Parisiens et Lyonnais, la classe bourgeoise ne pouvait en faire usage en ces temps où la lutte des dites classes faisait encore se lever les damnés de la terre, les forçats de la faim, ces travailleurs isolés qui pensaient gagner à se grouper (mais ceci est une autre histoire).
Ça aurait fait mauvais genre.
Mais le bourgeois n’allait pas pour autant abandonner au prolétaire la totalité des propos surannés. La langue appartient à tout le monde.
Aussi se fit-il son langage bien à lui qui contient par exemple s’endormir sur le fricot en synonyme de se contenter d’un avantage acquis (s’endormir sur ses lauriers dirait un barbacole).
Même si au début de son activité linguistique le fricot est un p’tit frichti, il deviendra par l’un de ces renversements ironiques dont le bon sens populaire a le secret, un festin de gargote ou de table de maître au cours duquel on se fait péter la sous-ventrière. S’endormir sur le fricot sera alors l’équivalent d’une sieste d’après repas copieux et fort bien arrosé comme il est de coutume d’en faire chaque dimanche chez les gens comme-il-faut.
Par extension du domaine de l’insatisfaction et de l’exigence du toujours plus¹ typique chez l’assiettaubeurriste, s’endormir sur le fricot se verra utilisée quasi exclusivement sous sa forme négative. En effet, qui veut le beurre, l’argent du beurre et la crémière à intérêt à ne pas s’endormir sur le fricot.
C’est en ce sens de refus du relâchement (ce coupable penchant de l’humain post coïtum) que l’expression s’installe et prend ses aises dans l’époque d’avant, répétée à qui mieux mieux à des hordes de futures élites en culotte courte qui rectifieront tant et tant l’attitude sous la contrainte (cf. fig. A.) qu’elles finiront raides comme un piquet de bateau et bornées comme la Nationale 7.
L’injonction à ne pas s’endormir sur le fricot débouchera sur la nécessité frénétique d’une nouveauté en tout (l’ancien étant par essence obsolète), y compris sur la manière de rendre compte d’elle-même.
Le fameux paradoxe de « ne pas s’endormir sur le fricot s’endormant sur le fricot » auto-enverra en surannéité l’expression initiale, un peu comme le moderne « v1 » (version 1) éliminera l’américain « new » quelques années plus tard avant de se faire dégager à son tour par le plus tendance 2.0 (deux point zéro) qui, lui, ne s’endort pas sur le fricot pour le moment.
Ce n’est cependant qu’une simple question de temps.