[si ma tât ân- avè] (gr. nom. ORIG.)
Malgré les subtils camouflages et autres chastes feuilles de vigne obstruant à longueur de chefs-d’oeuvre picturaux les atouts d’Ève et les réponses d’Adam, il fut acquis très tôt pour une très large partie de l’humanité que femmes et hommes n’étaient pas physiquement en tous points similaires.
Le langage suranné qui n’entendait pas être en reste sur la question, fit alors produire à l’un de ses plus brillants porte-paroles, Pierre Dac¹, une figure rhétorique en deux temps dont le premier fera les beaux jours de l’expression du scepticisme : si ma tante en avait on l’appellerait mon oncle, est l’énoncé complet de la formule souvent abrégée en si ma tante en avait.
Si ma tante en avait n’est pas une énième lamentation sur cette histoire de pomme croquée et de serpent moqueur qui firent quitter le jardin d’Eden à nos lointains ancêtres supposés, et encore moins un éclairage cru braqué sur l’origine du monde. C’est d’une toute autre histoire qu’il s’agit.
Bien entendu, l’étude rapide de la seconde partie – on l’appellerait mon oncle – et la logique de genre laissent à penser que c’est d’attributs de virilité qu’il s’agit pour faire de cette parente un parent. Certes les gonades masculines sont parties prenantes au propos, mais si ma tante en avait marque surtout une distance raisonnable prise par Jacques le fataliste ou un philosophe du Balto avec tout événement jugé insurmontable.
Exemples : « inverser la courbe du chômage, si ma tante en avait ! » ou encore « si ma tante en avait on gagnerait la coupe du monde ».
On usera alors de si ma tante en avait à chaque renoncement, à chaque résignation par couardise, par apathie ou par ras-le-bol, les trois démotivations étant également valables. À tel point que si ma tante en avait deviendra une expression phare quand les pyrrhoniens, ces pessimistes invétérés, finiront par se rendre compte que rien ne change vraiment dans l’ordonnancement des trucs et des machins de ce bas monde. Dès lors, ils porteront gravé si ma tante en avait en lettres d’or sur leur étendard débandant élevé.
En 1949, Simone de Beauvoir publie Le Deuxième sexe. La postérité retiendra qu’elle ouvre son deuxième tome avec le désormais fameux « on ne naît pas femme, on le devient », mais qui se souvient qu’elle avait imaginé une version avec si ma tante en avait on l’appellerait mon oncle ? Un choix éditorial qui aurait permis à si ma tante en avait de ne pas sombrer surannée. Mais un choix jugé trop osé chez Gallimard qui clora ainsi l’aventure de l’expression testiculo-familiale.
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