[swaré djapo] (gr. n. TCH.)
Vous viendrez prendre l’apéro, on vous montrera les photos.
Parmi les phrases les plus prononcées au mois de septembre des années surannées était celle-ci. Aussi surprenant que cela puisse paraître en modernité connectée, elle annonçait un vrai moment de plaisir, de partage, avec ses temps forts (les photos de plage¹) et ses longueurs (les tentatives artistiques en flou hamiltonien).
Après l’été donc, une fois les pellicules développées², se déroulait autour d’un apéritif goulument accompagné de pistaches et merguez si le temps autorisait encore l’usage du barbecue, la fameuse soirée diapos.
Apocope de diapositive, diapo désignait un carré de plastique de cinq centimètres de côté dans lequel se trouvait inséré un film 24×36 Kodachrome, le concept global de soirée diapos consistant en un passage en revue dûment commenté des scènes immortalisées par l’artiste (pour les frais émoulus de l’école numérique et de la pensée Power Pointienne, diapo n’a rien à voir avec votre logiciel de novlangue préféré).
Pour que la soirée diapos se déroule confortablement, les diapos ont quitté leur petite boîte oblongue à base jaune et couvercle translucide pour rejoindre un chariot, sorte de plus grosse boîte rectangulaire ou circulaire dans laquelle elles font la queue leu leu. Oui, une soirée diapos c’est un sacré travail de préparation. Le chariot numéro un est pré-positionné sur le projecteur de diapos et quand la lumière du salon s’éteindra il pourra ronronner et envoyer un à un les souvenirs des vacances se projeter sur l’écran blanc qui trône en fond de pièce. Chaque cliché est précédé d’un claquement sec annonçant sa venue : c’est le chariot qui avance. Clac-clac !
Ainsi se déroule la soirée diapo, au rythme des carré positionnés à l’envers qui font s’esclaffer tout le monde quand mémé se retrouve les pieds en l’air et la tête en bas, des pauses nécessaires à un retour lumière allumée pour changer le chariot ou débloquer un carré de plastique mal introduit dans le projecteur, des pauses pipi aussi parce que c’est long une soirée diapos.
L‘été 2007 sonnera le glas de la soirée diapos.
Quelques jours seulement avant la date officielle des vacances, le 29 juin exactement, est commercialisé l’iPhone. Son système moderne de prise de photos et de partage en numérique annule en un instant toutes les soirées diapos prévues pour septembre suivant. On partagera dorénavant chacun chez soi ces souvenirs qui fatiguaient tout le monde et plutôt que s’esclaffer ensemble sur une pose un peu olé-olé, on cochera des pouces en haut, des pouces en bas, tels des Néron de pacotille devant décider à distance de la vie ou la mort d’une image.
La soirée diapos finira surannée avec ses couleurs surexposées; si vous cherchez, les boîtes et le projecteur sont au grenier, des fois qu’on aurait besoin de se souvenir des vacances d’avant.